CHAPITRE 38

975 114 81
                                    


Les rues défilaient lentement alors qu'il respectait les limitations de vitesse de la ville qu'il traversait. Devant lui, le feu passa au rouge, et il en profita pour changer la musique. Les musiques de l'année finissaient toujours par lui donner envie de jeter le poste radio par la fenêtre. Il brancha alors son téléphone et actionna sa playlist.

Le fond sonore commença alors à jouer. Il grimpa lentement et menaçant. Il pourrait être le fond musical d'une scène de guerre dans un film. Et il l'était, littéralement. Morgan était tombé amoureux de cette musique depuis qu'il l'avait croisé dans King Arthur.

Ah flundi eni, ohr vidi, gal ah un vere yulsi...

Sa voix grave se superposait sur cette de la chanteuse. Il passa la première et démarra lorsque le rouge passa au vert. Sous les yeux, le village où il avait étudié s'étalait. Il reconnaissait les hauts arbres que la commune taillait à l'automne. Il se souvenait des grilles de l'école primaire, lorsqu'il passa devant. La route qui sillonnait jusqu'à la sortie de la ville n'avait pas changé. Les maisons qui la bordaient semblaient figées dans le temps. Il y avait toujours ce volet cassé, et ce portail à la peinture rouge élimée.

Blide oh vline ranun, yunagwei, bore dile vey gore du ni ! chanta-t-il distraitement.

Et la musique s'arrêta.

Une autre s'enclencha, et encore une autre. Plus loin, il passa sous une décoration accrochée à des lampadaires qui disait « Joyeuses fêtes » avec un père noël qui faisait un geste de la main. C'était l'entrée du village où il avait passé les dix-huit premières années de sa vie. La commune avait rajouté un petit rond-point juste devant sa maison. Les voisins avaient monté une clôture, remplaçant celle qui manquait de se casser la figure.

Devant sa voiture, les portes en fer forgé s'ouvrirent dans un grincement sonore.

— Enfin arrivé, soupira le brun en détendant sa nuque raide.

Il n'avait que très peu dormi, et avait lézardé sur le canapé d'Andy durant toute la journée. Il s'était enfoncé dans les sphères obscures des dessins animés, serrant et câlinant le blond alors qu'il rattrapait quelques minutes de sommeil, par-ci par-là. Puis, il était retourné chez lui, avait fait sa valise en un temps record et avait de nouveau collé son fessier dans sa voiture pour deux heures de route.

Il remonta l'allée de graviers et gara sa voiture à côté de celle de Milo. Les volets étaient fermés, vu l'heure qu'il était. A vingt heures trente, il était certain d'avoir raté le début du repas. Il sortit, déplia ses longues jambes et récupéra son manteau sur le siège passager. Il sortit rapidement sa valise du coffre alors que la lumière du perron s'allumait avec le détecteur de mouvements. Il s'amusa alors de voir le contraste entre sa voiture coupée sport et celle de ses frères. Morgan avait hérité de l'amour des voitures de leur père. Et avec le salaire qu'il avait, il pouvait se faire ce petit plaisir. Il monta difficilement sa valise sur les marches, car les roues cognaient sur chaque arête de béton.

Il sortit ses clefs et déverrouilla doucement la porte. Milo l'avait prévenu qu'ils étaient dans la salle à manger, donc la pièce la plus éloignée du hall. Le carrelage noir et blanc ne l'avait absolument pas manqué. La grandeur du lieu non plus. Sa mère avait hérité du manoir, comme ils s'étaient toujours amusés à l'appeler. C'était une grande bâtisse avec beaucoup trop de pièces pour eux, remise au goût du jour. Elle se transmettait de génération en génération depuis un certain temps. Morgan était certain que par le passé, la famille de sa mère avait appartenu à un bas rang de la noblesse.

CaméléonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant