Caméléon

CHAPITRE 33

Andy ne savait plus où donner de la tête. Sur ses talons, Morgan lorgnait tout ce qui passait sous son regard. Curieux de nature, il était plongé dans un nouvel environnement, donc son cerveau cherchait à capter les moindres détails.

Les moindres détails étaient aussi les fesses du blond moulé dans un jean.

— Tu penses qu'il faut aller dans une salle précise ?

— C'est toi l'artiste ici, tu devrais avoir plus l'habitude que moi...

« Il a raison », s'avoua Andy.

Mais il n'avait aucune idée de quoi faire. Ils avaient décidé d'un commun accord de venir ici un peu plus tôt, après avoir retrouvé l'usage de leurs membres congelés en le secouant. Le vent d'hiver était impitoyable, en ce vendredi. Andy s'était caché presque tout le visage entre son écharpe et son bonnet.

Ils avaient traversé la vile, tantôt avec un pas rapide pour faire circuler le sang, tantôt lentement car ils étaient pris dans leur conversation. Andy avait apprécié pouvoir relancer le brun qui attendait toujours son avis, le mot pour poursuivre ses explications. Avec lui, il avait l'impression d'être vraiment écouté. Cela faisait des années qu'il n'avait pas ressentit cela. Du moins, si on écartait Samaël, car il mettait toujours un point d'honneur à le mettre au centre des conversations.

— Madame Azanet à dit qu'elle arrivait il y a déjà vingt minutes !

— Justement, ton école est à vingt minutes. Elle va arriver, ne panique pas.

— Et s'il lui était arrivé quelque chose ?

— Pourquoi tu voudrais qu'il lui arrive quelque chose ?

— Non... Et si elle ne veut plus venir ? Qu'est-ce que je vais faire ?

Le pouls d'Andy battait atrocement à ses tempes. Il avait chaud, et il avait envie de s'asseoir pour laisser passer cette petite crise. Il ne voulait pas faire une scène devant Morgan qui était adossé à un mur, les gras croisés sur son torse, l'air grave.

— C'est tout à son avantage, si elle vient. Elle viendra, je te le garanti.

— Je vais me ridiculiser... couina-t-il alors comme réponse.

— Pourquoi tu le ferais ? Ton œuvre est superbe.

Il avait eu la chance de le voir en photo, donc il pouvait l'affirmer. Andy faisait les cent pas, son manteau au creux du coude. Les gens qui passaient près de lui le regardaient étrangement. D'ordinaire, le blondinet se serait caché d'eux, mais il était si angoissé qu'il ne le remarquait même pas. Il commença à s'attaquer à ses cheveux. Ses mains passaient et repassaient au même endroit, si bien qu'il allait finir par défaire ses chignons.

Morgan se décolla du mur afin d'avancer vers le plus jeune. Doucement, il posa sa paume sur de dos de la main du blond. Andy sursauta, et ses yeux perdus croisèrent ceux de son vis-à-vis. Les pupilles félines étaient écarquillées, comme s'il ne savait plus quoi faire. Il voulait monter à Morgan qu'il était normal, mais il n'y parvenait pas.

« Tout va foirer »

« Les gens vont se moquer de toi »

« Ta place n'est pas ici »

S'il se concentrait, il pouvait presque entendre les griffes de l'angoisse percer sa carapace. Pouvait-on faire un cauchemar en pleine journée, bien réveillé ? Non, c'était impossible. Il ne devait pas se laisser sombrer. Il devait relever la tête. Il devait se reprendre. Il devait arrêter de trembler. Il devait...