CHAPITRE 3

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– Andy, va touiller le repas, s'il te plaît ! cria la douce voix de son colocataire.

– J'ai l'impression de vivre encore avec ma mère, soupira le blondinet.

– La vie ne devait pas être si terrible que ça, alors, continua Samaël.

Le blond ne répondit pas et se leva du canapé où il était en train de potasser ses cours. Les nombreuses feuilles qui l'entouraient témoignaient de son assiduité. Il faisait des études dans l'art. Une filière bien trop sous-estimée pour ce que c'était réellement.

Il déplaça son corps maigre jusqu'à la petite cuisine où des courgettes et des blancs de poulets crépitaient dans les poêles. Le jeune homme retourna la viande avant de brasser les légumes. Il n'avait pas faim. Encore. Son ventre était noué depuis de longues heures. Depuis qu'il s'était levé, en réalité. A cause d'un cauchemar atroce. Il avait hurlé si fort que son colocataire était venu en courant dans la petite chambre. Encore.

Après ces moments-là, Andy ne parvenait pas à manger, jusqu'à ce que son corps digère ce mal. Ce n'était peut-être que psychologique, il n'en savait rien, mais il avait une boule si serrée dans le ventre que rien ne pouvait passer. Cependant, Sam mettait un point d'honneur à lui remplir l'estomac. Cuisinier, il ne concevait pas le fait qu'on puisse mal manger sous son propre toit. Les deux colocataires s'étaient plutôt bien trouvés, sur ce point.

– Je suis allé faire les courses tout à l'heure, ça te dit des pizzas maisons ce soir ?

Andy leva la tête du fumet qui se dégageait du repas, avant d'aviser son colocataire qui venait de sortir de la douche. De la buée sortait de l'entrebâillement de la porte qui claqua contre le mur. Sam dans toute sa délicatesse. Il ne faisait jamais les choses dans la demi-mesure. Bourru de nature, il ne faisait attention que lorsqu'il était en cuisine. Il n'était qu'un tas de muscles avec des bras forts à force de passer ses journées à brasser des casseroles pleines. Sa peau métisse s'étirait élégamment autour de ses formes masculines. Ses cheveux bruns gouttaient, si bien que le col de son t-shirt était déjà imbibé. Une serviette à la main, il regardait le blond, intrigué.

Sam savait exactement comment réconforter l'étudiant après des nuits comme celle qu'il avait passé. C'était arrivé par un heureux hasard, mais ce fut la première fois où il avait vu le jeune homme heureux de manger. Les pizzas maison étaient son petit plaisir.

– Je ne... tenta-t-il en premier, incertain. Bon... la question ne se pose pas, j'imagine ? rigola nerveusement le blond en rejetant ses longues mèches en arrière par un mouvement souple. Tu sais très bien que je suis faible face à l'une de tes pizzas ! T'as acheté de la mozzarella ? demanda-t-il en imitant l'accent italien.

Il avait capté le regard de Samaël qui voulait dire « ne me contredit pas ».

– Bien sûr ! Je ne voulais pas me faire tuer une fois à la maison !

A la maison. Andy savait que Sam parlait de l'appartement, mais également de lui. Il le considérait comme sa famille, en quelque sorte. Le ventre de l'étudiant se tordit.

Le métis avait cette façon de faire passer les choses importantes en un simple détail. Le plus vieux tapa l'épaule du blond avec son poing tandis que ce dernier répliqua en le pointant de sa cuillère en bois. Un bout de courgette tomba sur le carrelage et Samaël hurla à la faute. Il se mit à courir derrière le jeune homme qui était en train de s'étouffer de rire. N'en pouvant plus, Andy fit une pause et se plia en deux, les mains sur les hanches, le cœur en vrac.

Sam savait étonnement y faire pour sortir Andy de ses pensées douloureuses.

Ils avaient fait tomber des bouteilles en plastiques, à l'angle du plan de travail et fait voler les feuilles de cours du blond. Maintenant échoué comme une loque, Andy peinait à respirer. Sa poitrine n'arrivait pas à se mouvoir correctement tellement il riait.

CaméléonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant