Nettoyer Réver des crakols nous prit toute la nuit. Nous n'avions pas rencontré la milice une seule fois. Apparemment, ils étaient trop occupés à se cacher pour sauver leur peau pour tenter de protéger les citoyens dont ils avaient la garde. Etonnant, vraiment. J'avais été mâchouillée et éventrée un trop grand nombre de fois, mais Dina avait presque réussi à prévenir les deux autres de la moindre blessure – si on oubliait le mur que s'était pris Ash en pleine poire, ce qu'elle nous avait énergiquement suggéré de faire.
Nous ne regagnâmes l'auberge qu'une fois le soleil levé et les derniers groupes de crakols éliminés. Clairement, mon lien avec Arte me rendait plus forte que tous mes précédents liens, mais quand nous nous effondrâmes sur les couchettes installées dans la pièce à l'arrière de l'auberge, j'étais positivement épuisée. Arte avait le teint cireux à cause de toutes les vies qu'il avait dû prendre, capturer les crakols pour les relâcher dans leur milieu naturel ou je ne sais où selon le plan initial de la Chasseuse s'étant bien évidemment révélé parfaitement impossible. Ash avait récolté quant à elle une vilaine balafre sur le bras gauche, là où un crakol l'avait attrapé avant qu'on puisse l'en empêcher. Quant à notre demi-fée, bien qu'elle ait peu elle-même combattu ces petits monstres, elle avait elle aussi l'air très fatiguée. Elle ne s'était cependant pas jetée sur les couchettes qu'elle avait d'ailleurs été celle à installer, mais s'était plutôt penchée sut la blessure d'une Ash un peu grimaçante.
« Je vais chercher de quoi te soigner, » annonça-t-elle finalement avant de se relever, de quitter la pièce et de revenir en un clin d'œil les bras chargés.
« Ne t'embête pas, Dina, je peux très bien le faire, » grommela Ash, mais la demi-fée ne voulut rien entendre. Après avoir pansé la plaie, elle donna au Goûteur un petit flacon rempli d'un liquide violet.
« Contre le poison. »
Pendant qu'Ash buvait la potion, Dina se tourna vers moi, me tendit un autre flacon et commença à m'examiner.
« Tiens, Luvie. Tes plaies ont toutes l'air refermées et en bonne voie de guérison, mais je suis sûre que même ton organisme hors normes mérite un petit coup de pouce pour lutter contre tout ce venin.
-C'est en effet clairement toi qui a le plus morflé, commenta Ash comme si c'était un compliment.
-Je n'ai pas la plus petite égratignure. Je te remercie grandement de m'avoir protégé, mais la prochaine fois, essaye peut-être de te ménager un peu, d'accord ? »
Est-ce que c'était la voix douce d'Arte, le flacon d'antipoison, ou peut-être le remerciement ? En tout cas, moi qui ne pleurais jamais qu'à la mort d'un Protégé, je me retrouvais soudain avec les yeux suspicieusement humides.
« Est-ce qu'il y a un moyen de rompre le lien ? »
Après avoir dormi tout notre soûl, nous nous étions à nouveau, Ash, Arte et moi, retrouvés attablés devant le même ragoût de poisson de la veille. Rompre le lien... Cette idée m'était à la fois très plaisante et douloureuse. Pour une fois qu'on ne cherchait apparemment pas à se servir de moi, et alors que la liberté était enfin à ma portée, la question d'Arte m'attristait et m'effrayait. Il ne voulait pas de moi, je ne lui était pas utile, il voulait que je m'en aille. Pourtant, la perspective de ne pas avoir de maître à servir et Protéger contre ma volonté aurait dû ne me remplir que de joie. J'en avais rêvé toute ma vie : être libre, pouvoir aller où je le souhaitais, pouvoir être seule, pouvoir mettre ma vie avant celle des autres, pour une fois. Mais non, au lieu de sauter enfin sur l'occasion rêvée, j'avais peur d'être perdue sans laisse. J'avais peur de ne pas avoir de raison de vivre si ce n'était pour donner ma vie pour un autre.
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Les Bénis
FantasiUne bande de presque super-héros un peu bourrus, un peu stupides, n'aimant rien mieux que se chambrer, mais avec un grand cœur, qui tentent de redresser les torts de leur société. Ils ont toujours un plan. Il ne leur sert à rien, mais au moins ils e...