Intermission 5 - Le Maître

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Erlan

« Erlan, je suis extrêmement déçu. »

Ça ne changeait pas de d'habitude, mais ce n'était pour autant jamais agréable à entendre. J'avais toujours eu beau remporter des batailles, détruire des ennemis, nouer des alliances (ok j'avoue, ça, c'était pas mon point fort), recruter des soldats, œuvrer dans l'ombre ou en plein jour pour le Maître, il n'était jamais satisfait. Ce n'était jamais assez bien. Je n'étais jamais assez bien. Quel gâchis que mon père soit mort pour me protéger, me répétait-il chaque fois que je le voyais, lui avait été si utile, loyal et efficace. Regrettable, vraiment.

Ça n'aurait plus dû m'atteindre, après toutes ces années, mais à chaque fois que le Maître exprimait son mécontentement de mon travail et de mon existence, ma poitrine se retrouvait prise dans un étau. Et pourtant, ce n'était pas comme si je l'aimais, l'appréciais, ou même le respectais vraiment. Mais, aussi bancale et inconfortable qu'elle soit, ça avait toujours été ma place. Qu'est-ce que j'aurais pu faire d'autre ? Qu'est-ce que j'aurais pu mériter d'autre ? Comment aurais-je pu rembourser autrement la dette que mon père avait gravée en mon nom envers le Maître en mourant ?

Voilà pourquoi je détestais parler avec le Maître. A chaque fois c'était cette déferlante d'émotions et franchement c'était fatigant et pathétique.

« D'abord tu manques de complètement foutre en l'air le plan pour récupérer les Bénis de Longrin, ensuite tu massacres de potentiels très intéressants alliés, tout en laissant s'échapper encore une fois ce groupe de Bénis ridicules, tu perds l'un de tes sous-fifres, le seul avec des pouvoirs en plus, puis tu restes inactif plusieurs mois, et enfin tu te permets de prendre des vacances ? Ce n'est pas la première fois que tu me déçois, mais là tu as vraiment touché le fond de l'inutilité. Ton père à ta place... Enfin bon. Je ne comprendrais jamais comment on peut partager le même sang. Arrête de me faire honte, de faire honte à ton père, de faire honte à ta famille. »

Je détestais la capacité qu'il avait à me faire redevenir ce gamin pour qui ne comptait que le fait de faire ses preuves, de gagner respect et honneur, d'être le parfait soldat pour alléger un peu sa culpabilité.

« Je n'ai pas de temps à consacrer à ces ridicules et stupides Bénis qui se prennent pour des héros. Ne me fais pas attendre plus longtemps et occupe-toi de ce désagrément. Et ne m'oblige pas à te faire surveiller par un barde, j'ai plus utile à leur faire faire.

-Bien, Maître. »

Les BénisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant