Loustic
Ash et Arte étaient partis jouer à la rivière. Maman n'aimait pas que j'y aille – Maman n'aimait pas que je fasse grand-chose. Mais c'était un jour spécial, aujourd'hui, et puis j'avais envie d'aller jouer avec eux, moi aussi.
Maman ne m'avait pas vu sortir de la maison. Elle ne me voyait jamais faire le mur, ni rentrer, grâce à ma Bénédiction, mais savait une fois sur deux que j'étais allée – que j'étais allé – là où je n'aurais pas dû à cause de la boue qui maculait mes cheveux, des déchirures dans mes vêtements ou des bleus sur ma peau.
Je les entendis rigoler avant de les voir. Ils étaient tous les deux dans la rivière, de l'eau jusqu'au mollet.
« Qu'est-ce que tu fous ici, petite... emmerdeur ?
-Ash ! Parle lui mieux !
-C'est un surnom affectueux.
-Et évite les gros mots devant lui. »
Comme si la chose qui était assise sur ma poitrine et qui y pesait si lourd et m'empêchait de respirer s'était enfin levée et était partie. En même temps, l'impression de flotter légèrement au-dessus de moi, et le sentiment d'habiter chaque recoin de moi-même plus justement.
« On essaye d'apprendre des tours aux grenouilles de la rivière, tu veux venir ?
-Des tours ? Comme ceux que fait le chien de la vieille McCountry ?
-Rien d'aussi spectaculaire, pour l'instant.
-Parle pour toi, ma grenouille m'a donné la patte.
-C'est vrai ?! Je peux voir ? »
Nous sommes restés tout l'après-midi à la rivière. Quand le soleil a commencé à descendre dans le ciel, Arte a décrété que nous devions rentrer. Il nous laissa à mi-chemin, prétextant une course à faire pour sa famille, mais je crois qu'il voulait nous laisser du temps seule à seul, Ash et moi.
Nous marchâmes en silence au début, puis Ash me dit avec une douceur inhabituelle, en désignant du menton mon badge vert que j'avais été si fier – et paniqué aussi, j'avoue – de mettre pour la toute première fois aujourd'hui :
« Si tu as envie ou besoin d'en parler, je suis là. Maintenant, ou plus tard. Et dis-moi aussi s'il y a des termes que tu veux que j'arrête d'utiliser, ou d'autres que tu préfères.
-Je crois que je suis un homme.
-T'es un peu jeune pour être un homme, t'es encore qu'un petit garçon.
-C'est pareil. Je pense que je vais me chercher un nouveau prénom. Et même, je suis plus si jeune. 10 ans, c'est vieux déjà.
-Tu as des idées ?
-De prénoms ? Non. Et toi ?
-Hum... Edouard ?
-Beurk, non.
-Jean-Michel ?
-Tu te moque de moi, c'est pas drôle, c'est atroce comme nom.
-Je fais ce que je peux, petit loustic.
-Oh. Ça. J'aime.
-Hein ?
-Loustic. Loustic, ça me plaît. »
Le visage de ma sœur se fendit d'un énorme sourire, et j'avais comme un soleil à la place du cœur.
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Les Bénis
FantasíaUne bande de presque super-héros un peu bourrus, un peu stupides, n'aimant rien mieux que se chambrer, mais avec un grand cœur, qui tentent de redresser les torts de leur société. Ils ont toujours un plan. Il ne leur sert à rien, mais au moins ils e...