Fern
Nos vacances, c'était la loi immuable des vacances, avaient été beaucoup trop courtes, mais très reposantes et agréables quand même. Le trajet retour, lui, traînait en longueur. Et ce n'était même pas la faute de Maya, qui jouait tranquillement avec Luvie et Richie à repérer des choses précises sur le chemin – dont une mystérieuse « voiture anglaise », d'après la carte tirée par Richie qui s'était aussitôt récrié qu'il n'avait aucune chance de voir ça et que ce n'était pas du jeu. Ce n'était pas non plus la playlist d'Arte ; elle ne se révéla même pas lassante. Non, ce qui rendait ce voyage retour interminable, outre le fait que c'était le voyage retour, c'était peut-être la présence de Sélène dans notre voiture. Sa sœur avait insisté pour qu'elle monte avec nous, prétextant qu'avec tous les souvenirs, que je ne l'avais jamais vue acheter, qu'elle ramenait, il n'y avait plus beaucoup de place pour Sélène, et qu'elle ferait mieux de voyager avec nous, qu'elle serait bien plus à l'aise dans notre voiture. Sélène avait pesté et râlé, et Rackiel nous avait fait un clin d'œil appuyé, rendant la situation encore plus gênante.
Rackiel avait vraisemblablement décrété que Sélène serait amie avec nous, mais Sélène n'était absolument pas d'accord. C'était un peu embarrassant de se retrouver comme ça au milieu. Malheureusement pour Sélène, Luvie semblait être du même avis que Rackiel, et une fois adopté par Luvie, les chances de s'en sortir étaient minces. Pendant tout ce début de trajet Sélène se contenta de rester bras croisés et moue vindicative accrochée au visage, jusqu'à ce qu'elle se déride soudainement.
« J'adore ce groupe ! » s'exclama-t-elle avant de se rappeler qu'elle ne tenait pas plus que ça à nous parler. Elle se renfrogna une seconde mais l'appel de la musique sembla plus fort, et elle se mit à fredonner et à battre la mesure.
L'instant de grâce se prolongea après la fin de la chanson.
« Vos goûts musicaux ne sont pas si désastreux, finalement », dit-elle en hochant la tête. « Animal, ce n'est pas ma préférée d'eux, je pense que c'est plutôt Everybody talks, mais elle est quand même super chouette.
-Wow les gars cette chanson... mon genre c'est cette chanson mais masculin ! »
Richie semblait ébahi et extatique de cette révélation qu'il venait d'avoir.
« C'est trop cool !
-Honnêtement, meilleure identité de genre que j'ai jamais entendu. »
Ça aurait sans doute été ce genre de moment qui noue des liens entre les gens, en l'occurrence entre nous et une Sélène récalcitrante, grâce au pouvoir de la musique et de la playlist d'Arte, si nous n'avions pas été téléportés je ne sais où. La sensation était proche d'un Voyage, sans être tout à fait cela.
Nous étions dans ce qui ressemblait fortement à une salle d'interrogatoire, en un peu moins austère grâce aux tapis qui recouvraient le parquet – et ça c'était rassurant, ce n'est pas comme ça que tu décores la pièce dans laquelle tu as l'intention de faire saigner des gens – et aux sièges qui n'avaient pas l'air si inconfortables que ça.
Ce que la pièce manquait en austérité, le visage fermé et austère du démon assis à côté de Mary le compensait bien.
De retour aux enfers, donc.
Notre valeureux leader, après une hésitation d'une fraction de seconde, prit place sur l'un des cinq fauteuils en face d'eux. J'allais en faire de même quand le silence fut interrompu par une cacophonie de voix :
« C'est quoi ce délire ?! » s'exclama Sélène.
« On est où Luvie, pourquoi on est plus dans la voiture, et pourquoi ces gens sont bizarres ? » demanda Maya, chaque question fusant plus vite que la précédente.

VOUS LISEZ
Les Bénis
FantasiUne bande de presque super-héros un peu bourrus, un peu stupides, n'aimant rien mieux que se chambrer, mais avec un grand cœur, qui tentent de redresser les torts de leur société. Ils ont toujours un plan. Il ne leur sert à rien, mais au moins ils e...