Les Bénis

Episode 5 - Ruines - Partie 1

Richie

Après le sauvetage pour le moins mouvementé de Luvie, et après nous être un peu reposés – oui, même moi, ce n'était pas parce que j'étais mort que je ne pouvais pas faire de petite sieste -, nous nous concertâmes et arrivâmes à la seule conclusion logique : après un bottage de cul, il nous fallait panser nos blessures. Ou plutôt, laisser quelqu'un d'autre le faire.

Déléguer, voilà la clé du succès.

Fern avait rafistolé le genou d'Arte de son mieux, mais autant profiter du fait que notre leader sans peur et son garde du corps étaient potes avec une guérisseuse. Nous espérions aussi qu'elle pourrait réparer Ash dont la Bénédiction n'était toujours pas revenue, et dont l'état psychique et émotionnel était préoccupant. Nous ne pouvions pas nous tourner vers le Carnival Dandy Gang pour obtenir plus d'informations sur sa condition, car le CDG avait complètement disparu de la circulation depuis que nous les avions laissés entre les mains d'une Issin folle furieuse. Ils étaient probablement tous morts, ce qui aurait pu être triste s'ils n'avaient été de violents criminels. Même s'ils auraient pu nous être utiles pour aider Ash, j'étais surtout soulagé qu'ils ne s'en prennent plus à des innocents comme Dina. Arte, à nouveau à cheval pour épargner son genou en miettes, et nous autres manants à pied, nous mîmes donc en route pour Desril.

Arte et Luvie voulaient nous faire emprunter le même chemin que celui qu'ils avaient pris la première fois, parce qu'ils voulaient nous montrer Mésogne, cet incroyable village tout près de Rêver.

J'avoue que j'étais sceptique quant à ces fêtes géantes en l'honneur de Bénis, et je n'étais pas le seul. Fern râlait en disait qu'il avait beaucoup voyagé (ah, ah) et qu'il n'avait jamais vu ou entendu parler d'un tel endroit. Loustic renchérit sur l'impossibilité de la chose et je me retrouvais obligé de le corriger sur la différence entre impossibilité et improbabilité jusqu'à ce qu'il me décourage d'élargir plus avant sa culture en menaçant d'augmenter la probabilité qu'il me mette son poing dans la figure jusqu'à ce que ce soit une certitude. Il maîtrisait vraisemblablement désormais, grâce à mes incomparables talents de pédagogue, au moins les bases de ces notions. Mais pensez-vous qu'il m'en remercierait ? Bien sûr que non ! L'ingratitude était mon lot quotidien, mais je continuais de distribuer généreusement mon savoir de philosophe éclairé en dépit de tout.

« Tu parles d'un philosophe éclairé et plein de savoir, je te rappelle que tu es amnésique ! » rétorqua Loustic. Comme si je pouvais oublier ça !

« On est bientôt arrivés ? » demanda Fern d'un ton pleurnichard. Je jetai un regard vers Ash. Elle restait, cf mon diagnostique psychologique précédant, sans réaction face à cette provocation évidente de Fern. Même pas un petit « si tu n'es pas content, traître, va-t-en ! ».

« Ça ne fait même pas deux heures qu'on est partis ! » s'exaspéra Arte. « J'ai connu des enfants de trois ans plus patients et matures que vous tous réunis. »

S'il y avait eu un mur à proximité, notre leader se serait certainement cogné répétitivement la tête contre, mais, heureusement, il n'y en avait pas. Il aurait cependant pu utiliser un arbre, si vraiment l'envie de manifester sa frustration envers les membres les plus frustrants de notre petit groupe était irrésistible, et j'ouvris la bouche pour lui offrir ce conseil, mais Luvie me devança :

« Je ne suis pas mécontente qu'on n'ait pas encore croisé de bandits de grand chemin, tu serais capable de leur donner notre cheval pour qu'on n'ai pas à leur botter le cul, et je serais obligée de te porter sur mon dos tout du long. »

J'éclatai de rire devant l'expression horrifiée d'Arte qui devait s'imaginer la scène – et ce serait en effet une scène d'anthologie. Je pouvais la visualiser dans les moindres détails.