Elaine désactiva tous les sorts en ne déclenchant pas leur système d'alarme – en tout cas, c'est ce qu'elle nous dit, aucun d'entre nous ne pouvait vérifier -, et Luvie ouvrir aussi doucement et discrètement la porte, dont j'avais forcé la serrure, que possible.
Je ne sais pas à quoi je m'attendais en entrant dans cette maison lambda d'un quartier résidentiel censée abriter des kidnappeurs de sorcières, mais pas à une maison aussi ordinaire à l'intérieur qu'elle l'était à l'extérieur. Pas d'instruments de tortures, pas de donjons éclairés à la torche, pas de déco en nuances de rouge et noir qui était la preuve irréfutable d'un repaire de méchants, et je savais de quoi je parlais ; non, c'était une petite maison tout ce qu'il y a de plus normale : canapé faisant face à un petit poste de télé, table basse accueillant revues et télécommandes, murs blancs décorés de quelques reproductions encadrées, d'une étagère exposant des photos et une plante verte qui avait je l'espère connu des jours meilleurs. La pièce n'était pas très grande, mais semblait donner sur une autre pièce au fond à gauche. Mon regard s'attarda quelques instants sur les photos. Sur chacun d'elles, on retrouvait les trois mêmes personnes : un grand type plutôt baraqué au regard doux, une personne aux courbes très prononcées et aux cheveux blancs coupés très courts, et une femme relativement svelte, cheveux roux et taches de rousseur sur une peau très blanche, qui riait sur chaque photo, les yeux fermés. Aucun d'eux n'avait l'air d'un dangereux kidnappeur de sorcières, et aucun d'eux n'était au marché noir ce soir. L'une des photos immortalisait leur mariage.
La pièce suivante était une cuisine, et si le salon était bien rangé, la cuisine elle était en grand désordre. De nombreux verres et couverts attendaient d'être lavés, des boîtes de pizza s'entassaient pour former des montagnes, la poubelle débordait... Soit ces trois-là étaient beaucoup plus bordéliques (ou n'aimaient juste vraiment pas la vaisselle, ce qui est compréhensible honnêtement) que leur salon ne le laissait présager, soit ils avaient eu, et peut-être avaient encore, de la compagnie.
Luvie trouva ensuite une pièce intéressante : une bibliothèque dont les murs étaient entièrement recouverts d'étagères débordant de livres, grimoires, jarres et bocaux, fioles et matériel à potions, coffrets remplis d'ingrédients, cristaux et parchemins, bref, la panoplie complète pour faire de la magie.
Et au milieu de tout ça, jurant un peu avec la classe inhérente aux affaires de sorcières et de magiciens, mes yeux tombèrent sur non pas une, non pas deux, non pas dix, mais bien 18 statuettes de rats unijambistes.
« Mais c'est toute une armée !
-Moi qui trouvais la collection de cailloux de compagnie de Loustic un peu bizarre, ça c'est clairement le niveau au-dessus !
-Laissez mes cailloux tranquilles !
-La dernière fois qu'on m'a dit ça...
-Euh, non Luvie, ça marche pas hyper bien là.
-Ah. »
Sélène trouva le passage secret grâce à son flair ou à son ouïe ou les deux combinés, qui sait ; pas nous, car elle refusa de nous le dire. Elle tira l'un des livres, apparemment au hasard, et l'étagère toute entière pivota, donnant sur un escalier un brin lugubre.
« Un passage secret dans la bibliothèque, évidemment, un grand classique. »
J'étais pas ravi à la perspective de descendre ces marches obscures qui ne menaient probablement pas à un mignon petit salon de thé, mais je suivis le mouvement.
En bas des marches, une lourde et massive porte en métal. Nous échangeâmes un regard, tous prêts à en découdre, et Luvie poussa la porte.
Nous surprîmes l'homme baraqué et la femme souriante, qui s'affairaient autour d'une table débordant d'ustensiles et d'herbes, fabriquant je ne sais quelle potion, et discutant vivement. Les maîtriser nous prit, à Luvie et moi, une fraction de seconde seulement. Ils ne nous opposèrent d'ailleurs pas une bien grande résistance.
VOUS LISEZ
Les Bénis
FantasyUne bande de presque super-héros un peu bourrus, un peu stupides, n'aimant rien mieux que se chambrer, mais avec un grand cœur, qui tentent de redresser les torts de leur société. Ils ont toujours un plan. Il ne leur sert à rien, mais au moins ils e...