La chasse - Partie 2

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            La semaine de voyage qui suivit fut sans incident. Aucune attaque de brigand ni de village bizarre. Luvie et moi discutâmes de nos vies respectives avant notre rencontre. Luvie elle me parla de l'arène. De l'état d'esclave auquel elle avait été réduite toute sa vie. Et enfin nous épiloguâmes sur l'avenir. Sur ce que nous devions faire pour que les Bénis arrêtent de souffrir à cause de leurs Bénédictions, pour que la loi anti-discrimination soit enfin appliquée, pour que les arènes du royaume ferment, pour que tous les sujets de sa Majesté soient égaux et en sécurité. Il y avait beaucoup de chemin à faire, trop, sans doute. Ce que nous pouvions et devions faire pour l'instant, c'était rendre les rues de Rêver, de Korbelvir et des villes avoisinantes les plus sûres possibles, pour les Bénis comme pour les non-Bénis. Faire tout notre possible à notre échelle.

« Et aller sauver la forêt à l'autre bout du pays, » ironisa Luvie.

Nous avions évité les routes les plus passantes qui menaient à la capitale et avancions à bon train vers Galadonne, une ville relativement importante à l'ouest de la capitale, quand nous tombâmes nez à nez, sur un petit sentier parallèle à la route principale qui longeait une rivière, sur un convoi malheureusement trop familier. Luvie sentit venir le danger avant moi et elle me poussa dans le bas-côté avant de me rejoindre. Les premiers chevaux du convoi passèrent devant nous quelques secondes plus tard. Nous n'étions pas franchement très bien cachés et nous eûmes beaucoup de chance qu'ils ne nous remarquent pas. Les cavaliers étaient armés et portaient la livrée de lord Longrin. Ils précédaient deux chariots-cages.

« Putain, pas encore », murmura Luvie si bas que je l'entendis à peine. Les cages étaient évidemment pleines de Bénis.

« Il faut qu'on les aide », chuchotai-je à son oreille.

« Tu rigole ? On n'est que deux, et tu te souviens comment ça s'est terminé la dernière fois ? Pour l'instant, on ne peut rien faire pour eux. »

C'était bien une phrase que je ne supportais pas d'entendre. Je me devais de faire de mon mieux, toujours. Nous ne pouvions pas laisser ces Bénis, nous devions leur porter secours.

Je n'eus rien besoin d'ajouter, cependant. Ma résolution devait être inscrite sur mon visage car Lucie soupira avant de murmure un « bon, d'accord » d'un ton douloureusement résigné.

Nous attendîmes que le convoi passe, puis nous sortîmes de notre relative cachette avant de les attaquer par derrière. J'incapacitai trois gardes de mes flèches tandis que Luvie courrait plus vite que mon œil ne pouvait détecter vers les cages, assommant un maximum de gardes au passage.

Pendant quelques instants, alors que les soldats étaient saisis devant cette attaque subite, je crus que nous allions réussir. Puis les gardes se ressaisirent. Luvie avait atteint le chariot de queue et était en train d'en arracher les barreaux pour libérer les Bénis prisonniers, quand elle se prit une première flèche dans l'épaule. Je faisais de mon mieux pour la couvrir, mais les hommes de Longrin étaient trop nombreux. Le temps qu'elle libère les Bénis de leur cage, Luvie avait récolté sept flèches plantées dans le corps. Elle n'avait même pas pris la peine de les retirer pour guérir normalement. Elle hésita une fraction de seconde avant de se jeter à l'assaut de la seconde cage. Je lui dégageai autant que possible le passage, mais elle n'arriva jamais jusqu'à elle. L'un des gardes lui donna un vicieux coup d'épée dans le dos avant que j'ai le temps de le neutraliser. Elle se retourna vers lui mais c'est sur moi que ses yeux, soudain paniqués, se posèrent. Je sentis alors avec mes sens de Chasseuse uniquement une présence près de moi. Je ne savais pas comment cette personne avait réussi à s'approcher autant sans que je la remarque ; sans Luvie, je serais mort. Je décochai ma flèche d'un geste fluide en me tournant vers mon adversaire. Guidée par la déesse, celle-ci trouva sa cible et la personne s'écroula en gémissant. Le temps que je me retourne à nouveau vers le convoi, deux des gardes profitèrent de la distraction de Luvie, qui tentait de revenir vers moi avec une lueur un peu folle dans le regard – elle était trop loin pour me protéger de quelqu'un qui était mystérieusement apparu à quelques mètres de moi et ne le savait que trop bien –, pour réussir à lui planter deux dagues, l'une entre les côtes et l'autre venant lui crever l'œil droit. Je réussis à neutraliser l'un des deux, mais le second, décidemment doué avec les lames, enchaîna avec un autre coup. Il plongea une courte épée dans le cœur de Luvie qui tomba à genoux. Le garde, qui semblait savoir ce qu'il faisait, n'avait pas retiré son arme, et Luvie perdit quelques secondes à la retirer de sa poitrine. L'homme n'eut cependant pas l'occasion de la blesser d'avantage, car je l'avais abattu d'une flèche. J'étais tellement inquiet pour elle que je manquai à tous mes principes et le tuait sur le coup. Je ressentis sa mort très violemment avec mes sens de Chasseuse. Je vacillai, en proie à la nausée. Chaque vie que je prenais avait un impact sur moi, et celles de mes confrères encore plus que les autres. Le temps que je me reprenne, Luvie était aux prises avec plusieurs soldats. Elle n'était pas parvenue à se relever et accusait coup sur coup jusqu'à ce que l'un d'eux réussisse à la faire tomber face contre sol. Je ne réagis pas assez rapidement. L'un des hommes l'épingla au sol en lui plantant une épée jusqu'à la garde. Luvie ne se releva pas.

Les BénisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant