Chapitre 30 : journal d'Edward

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J'ai l'impression d'écrire que quand ça va mal. Comme si les quelques moments de joie que j'ai connus ne méritaient pas d'avoir leur place ici. Comme s'ils n'étaient pas suffisamment importants pour surpasser tout le reste. De toute façon, ils ne durent jamais longtemps. La peine, la haine, l'amertume et tout un tas d'autres sentiments négatifs reviennent inlassablement et avec tant de violence qu'ils gomment ce qu'il y a de positif en moi. Si tant est qu'il y en a vraiment...

Prés d'une année s'est écoulée depuis mon passage à tabac durant laquelle j'ai vécu beaucoup de choses. D'abord, j'ai abandonné les cours. Je détestais le lycée, je détestais passer mon temps assis sur une chaise alors que je voulais être utile, me servir de mes mains et faire quelque chose qui ne me laisserait pas le temps de penser à tout ce que j'avais perdu. À commencer par Dorian. En plus, Troye a une petite amie et même s'il ne m'abandonne pas pour autant, j'en avais marre de tenir la chandelle. Je n'ai pas tout lâché sans avoir une issue de secours. J'ai entamé un apprentissage dans un garage de la ville et j'adore ce que je fais. Démonter, réparer, comprendre le fonctionnement d'un moteur et de ses composants... Voilà ce qui me branche et qui me donne une raison valable de me lever le matin. La seule ombre au tableau, c'est Marcus. Il est plus âgé que moi de quelques années, fils du proprio, gueule de voyou, je l'ai trouvé cool avant de découvrir que j'aurais mieux fait de me tenir loin de ce type.

C'est Marcus qui a convaincu son père de me donner ma chance, c'est lui qui m'a tendu la main et qui m'apprend ce que j'ai besoin de savoir pour mener à bien les tâches qui me sont confiées. C'est lui qui m'a ouvert les portes d'un monde que je n'aurais dû jamais découvrir. C'est lui qui a compris que mon rêve le plus cher était de me barrer de chez mes parents et de gagner un max de fric pour mettre les voiles et être sûr de ne manquer de rien. C'est parce qu'il m'a assuré que c'était sans risque pour moi que j'ai accepté de me faire enrôler dans son business à la con. Alors, en plus de bosser comme apprenti mécanicien, je refourgue de la came en soirée. C'est clair que ça paie bien, que mes économies grandissent à vue d'oeil, mais je ne suis pas à l'aise avec ce que je fais. Pourtant, je continue, désireux d'amasser le plus d'argent possible, désireux de rendre service à Marcus qui est mauvais pour moi, mais qui semble me comprendre mieux que quiconque. Parce qu'il sait beaucoup de choses sur moi, notamment ma mésaventure suite à mon passage au Black Dream, et qu'il ne me juge pas. Pour lui, quand on est jeunes, on doit faire ses expériences, apprendre... Néanmoins, il a ajouté qu'il était content de savoir que je n'étais pas de ce bord-là, car c'était tout sauf normal. J'ai appris, au détour d'une conversation, même s'il ne l'a pas avoué à proprement dit, qu'il prenait un malin plaisir à s'en prendre à des types comme celui qui m'avait volé ma virginité. Il se sert parfois de moi comme alibi quand les flics viennent le trouver et comme un bon petit soldat, je dis oui à tout et le couvre même s'il ne le mérite pas. Parce que, OK, pour moi, aimer et se faire aimer d'un homme rime avec souffrance, mais certains le vivent bien alors pourquoi leur vouloir du mal pour ça ? S'ils aiment ça c'est leur problème, pas le nôtre.

Ce n'est pas le pire de Marcus. Bien sûr, il dira forcément qu'il agit pour ce qu'il pense être juste, mais Marcus est dangereux. C'est ce qui me pousse à rester près de lui, car il vaut mieux l'avoir pour ami que pour ennemi et si j'avais vraiment eu envie de crever, ce n'est plus ce que je désirais à cette période de ma vie. Le travail m'aidait à tenir debout. Et j'ai trouvé une source de bonheur insoupçonnée qu'on m'a arrachée bien trop cruellement.

Mon père était encore au boulot ce jour-là et maman était couchée. Je suis sorti dans le jardin pour fumer une cigarette en me demandant ce que mon frère faisait à ce moment précis quand j'ai entendu comme des cris provenant de derrière les rosiers. Je me suis approché, je me suis écorché les mains et les avant-bras, mais j'ai réussi à déloger de sa cachette un chaton au pelage sombre et en piteux état. Je ne savais pas quoi faire de lui, nous n'avions jamais eu d'animaux à la maison, mais cette petite bête faisait peine à voir et je me suis dit qu'elle méritait qu'on s'occupe d'elle, qu'on la soigne et qu'on lui apporte un peu d'amour, alors je l'ai pris dans mes bras et je suis allé voir ma mère. Je lui ai exposé la situation et elle m'a aidé. Ensemble, nous avons lavé la boule de poils, nous l'avons nourrie et quand papa est rentré, elle était toute contente de lui raconter ce moment passé à deux. Puis elle a vu l'état de mes mains et elle m'a soigné à mon tour.

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