Chapitre 7 : Connor

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Nous sommes enfin sur le départ. Isaac crie un "En route !" un peu trop joyeux pour être honnête. Nous étions d'accord pour dire que partir était un bon moyen de prendre du recul, réfléchir et surtout profiter comme nous l'avions prévu sauf que l'ambiance qui plane dans la voiture est tout sauf détendue. Je ne cesse de penser à mon père, sa maladie, sa détresse et ensuite son visage plein de dégoût lorsqu'il est revenu à lui.

Travis m'a tout l'air d'être sur le point de faire un malaise. Il est blanc comme un linge. Le pauvre, je me mets à sa place et sûr que j'aurais agi de la même manière. J'espère toutefois qu'il parviendra à se laisser aller, à mettre cette histoire de côté au moins quelques heures. Je vais tâcher d'en faire de même. Après tout, c'est mon anniversaire. Les derniers passés en compagnie d'Isaac étaient magiques. À son image. Ce qui me ramène à cette surprise dont il ne veut toujours pas me parler.

Je suis conscient que le but d'une surprise est justement de surprendre. Néanmoins, je crois avoir eu ma dose aujourd'hui. Sincèrement, je pensais que si j'étais de nouveau confronté à mon père j'aurais été capable de gérer. Cruelle illusion. Je n'ai rien géré du tout. Je ne sais pas ce qui m'a pris de péter un câble comme ça. Habituellement, j'arrive mieux à contrôler mes accès de colère. Peut-être ai-je bêtement espéré, l'espace de quelques minutes, que comme mon géniteur mourrait de me retrouver, ou du moins l'enfant que j'ai été, alors nous aurions pu reconstruire quelque chose avant que la maladie qui le ronge ne l'emporte définitivement... J'en viens à plaindre ma mère qui n'a pourtant jamais rien fait pour me venir en aide si on ne compte pas la fois où elle est venue m'apporter de l'argent et des vêtements quand j'étais en désintox. Ce doit être difficile pour elle.

Parker tente de meubler le silence comme il peut. Ses efforts sont remarquables. Isaac prend part à la conversation et même Travis parvient à se laisser distraire l'espace de quelques minutes. Moi, je n'y parviens pas. J'ai besoin d'une clope, d'une bonne bière et peut-être des bras et du corps de mon homme pour me sentir mieux. Avant, je me serais réfugier dans une bonne dose de poudre. J'y pense encore parfois. À quel point la drogue m'a fait chuté mais m'a aussi donné l'illusion de pouvoir oublier et me sentir plus fort. C'est des conneries. Cela ne dure qu'un temps. Ensuite, on redescend, on se sent minable et on recommence. Éternel cercle infernal. On ne s'en aperçoit que quand on en est sorti. Jamais replonger ne m'a paru une solution envisageable.

Les pneus crissent sur les graviers devant la petite maison. Je suis le premier à sortir du véhicule. Je ressens déjà la plénitude de cet endroit. C'est isolé, calme, entouré de verdure. C'est parfait. J'aide les autres à sortir bagages et provisions et suis Travis qui ouvre la marche. Si tôt dans la cuisine qu'il décapsule quatre canettes. Je m'empresse d'en saisir une et laisse le goût envahir mes papilles.

- Va doucement, murmure Isaac en embrassant ma tempe.

J'aimerais lui dire qu'il n'est ni ma mère ni ma nounou, que je sais ce que je fais et que ce n'est pas parce que je vais boire une bière à la vitesse de la lumière que je vais partir en sucette pour autant. Seulement, je me retiens. Il ne mérite pas que je sois désagréable avec lui alors qu'il souhaite juste prendre soin de moi. De celui qu'il aime. Et puis, sa présence tout à l'heure à mes côtés, les preuves d'affection qu'il m'a offertes alors que nous étions sur son lieu de travail et que des cons aux mentalités réduites rôdent dans le coin, m'a fait énormément de bien. Comme toujours. Il est parfait. Je me dois d'être juste envers lui.

- Oui, ne t'inquiète pas, réponds-je avant de grimper mettre nos sacs dans la chambre.

Je ne m'attarde pas, redescends et les retrouve dans le jardin. Parker essaie d'allumer le barbecue alors que Travis apporte des munitions sous le regard blasé d'Isaac. Je ne suis pas le seul à vouloir arrêter de penser ce soir. Je me laisse tomber sur une chaise et allume une clope, le regard perdu sur le ciel. Comprenant certainement que j'ai encore besoin de digérer tout ça, mon petit ami s'éloigne pour prêter main forte à son collègue. Travis met immédiatement les pieds dans le plat.

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