Chapitre 25 : Parker

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Depuis que nous avons tourné la dernière page de ce cahier où Edward décrivait un acte sexuel non consenti et la violence de son père, je suis plus que mitigé. D'un côté, je voue à cet homme une haine sans précédent pour ce qu'il a fait subir à Travis et d'un autre, j'en viens à le prendre en pitié, à en vouloir à ce type qui lui a offert une vision erronée de l'amour entre hommes, à son père qui l'a rabaissé un peu plus chaque jour et à son frère de n'être pas venu à son secours.

Il ne faut pas se méprendre, je n'aime personne plus que Travis et je serai éternellement dans son camp, seulement je me dis qu'il suffit parfois de peu pour sauver les gens. Une main tendue, celle d'une personne précise, peut vous sauver de vos démons intérieurs. C'est ce dont avait besoin son oncle et ce Marcus n'était pas celui qu'il lui fallait.

Si je me sens mal, Travis est dans un état émotionnel bien plus instable que le mien. Lire ce carnet n'était pas une bonne idée. J'ai bien envie de lui interdire de se pencher sur les autres s'il les trouve, mais je n'ai pas le droit de faire ça et de toute façon, il n'en fera qu'à sa tête comme toujours. Il dort peu et très mal. Cette nuit est pire encore que les précédentes. Il a enfin trouvé le sommeil après s'être tourné dans tous les sens et désormais, il se tortille, gémit, respire vite et bruyamment. Il semble en proie à un horrible cauchemar et le voir comme ça me fend le cœur. Je ne peux supporter d'être spectateur d'une telle détresse sans agir.

- Travis... Travis... Réveille-toi...

Je n'ose pas le toucher, par crainte de l'effrayer. J'ai déjà été témoin de nuits difficiles où il revivait son passé cependant, celle-ci a l'air bien plus pénible que toutes les autres réunies. Il bouge la tête, le visage crispé de douleur et je l'appelle un peu plus fort en priant pour mettre un terme à ce rêve horrible qu'il ne devrait plus jamais connaître. J'allume la lampe de chevet, ses yeux s'ouvrent doucement et je change de position pour qu'il puisse me voir.

- Travis ? Ça va ?

Question idiote, je le conçois, mais j'ai désespérément besoin d'entendre le son de sa voix. Sa réaction n'est pas celle que j'attendais. Il sursaute, panique, me lance un regard apeuré comme s'il n'avait pas conscience que c'est bien moi en face de lui.

- Travis, tout va bien. C'est terminé et je suis là.

Il se recroqueville, se protégeant du mieux qu'il peut et le besoin de le toucher surpasse tout le reste. Je dois le rassurer.

- Regarde-moi. Travis, c'est moi, Parker. Regarde-moi dans les yeux. Reviens avec moi !

Ma main se pose sur sa joue.

- Me touche pas ! Me touche plus ! Arrête !

- C'est moi, Travis ! C'est Parker !

- Ne. Me. Touche. Plus !

Et la seconde d'après, je me retrouve projeté hors du lit avec tant de violence que mon dos et ma tête viennent heurter notre armoire avec force. Je crie ma douleur dans un juron. Jamais je n'avais eu à faire face à ça. Je suis complètement abasourdi, assommé et, je dois bien l'admettre, terrorisé suite à cette réaction plus que véhémente.
Lorsqu'il se lève et avance, le corps tendu à l'extrême, je sais avec certitude qu'il est toujours perdu quelque part. Quand il se penche sur moi, j'ai le même réflexe que lui, me tasser sur moi-même et protéger mon corps de mes bras. Travis cligne des yeux à plusieurs reprises, réalise avec effroi où il est et qui est avec lui.

- Oh, mon Dieu ! panique-t-il. Parker, je suis désolé. Pardon, pardon, pardon... Qu'est-ce que j'ai fait, putain ? Qu'est-ce que je t'ai fait ?

Il tombe à genoux, tente de prendre mes joues entre ses mains, mais je ne parviens pas à contrôler mes réactions et le mouvement de recul instinctif que j'émets le blesse. Je le vois dans son regard. Ça me désole.

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