Chapitre 17 : Travis

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La réaction de Dorian m'amuse même si la situation n'a rien de drôle. Je ne devrais pas non plus ressentir cette satisfaction, mais le voir se ratatiner sur son siège, le regard apeuré, me fait penser que la bagarre de vendredi n'était peut-être qu'un acte isolé et que c'est un gamin inoffensif. Je l'ai sans doute mal jugé parce qu'il est le fils d'Edward, mais je pense que j'ai le droit d'avoir eu cette réaction.

- Je n'ai tué personne, dis-je tout de même pour le rassurer. Enfin, pas directement.

Je regrette instantanément cet ajout de ma part. Sauf qu'il est vrai. Je pense encore au petit Jake qui a fait une overdose et qui n'a pas pu être sauvé. À cause de la came que je lui filais en échange de quelques services. J'aurais toujours sa disparition sur la conscience. La sienne et peut-être celle d'autres jeunes gens qui ont consommé jusqu'à se détruire complément. Quelque fois, j'ai l'espoir que la majorité des clients que nous fournissions a fait comme Connor. Qu'elle a guérit et qu'elle ne touche plus à ces saloperies. Je ne le saurai jamais. C'est probablement mieux comme ça. Je serais incapable de vivre si je connaissais en détail les ravages que nous avons provoqué sur notre passage Edward, sa bande et moi.

- Oh, euh... Qu'est-ce que... est-ce que tu étais en prison pour la même raison que mon père ? Est-ce que c'est de sa faute ?

- Oui et non, réponds-je.

J'ai longtemps rejeté toute la faute sur lui néanmoins, encore et toujours, malgré ce qu'on peut bien en dire, j'aurais dû être plus fort, me rebeller et m'imposer quand j'avais l'âge de le faire. Est-ce que j'en serais là aujourd'hui ? J'en doute fortement tout de même...

- Comment ça ?

- J'ai suivi ton père contre mon gré au départ. Ensuite, si je n'avais pas été un lâche, peureux et complétement sous l'emprise de ses potes et lui, j'aurais pu tout arrêter. Je ne l'ai pas fait donc c'est aussi de ma faute. C'est la vie. Quoiqu'il en soit, j'avais bien moins de méfaits à mon actif que ton père et sa bande.

- Je n'ai jamais su pourquoi il avait été emprisonné. Ma mère n'a pas voulu me le dire. D'ailleurs, quand il a été incarcéré, elle ne lui a jamais rendu visite ou même écrit. Je crois qu'elle ne voulait plus entendre parler de lui. Elle ne m'a pas empêché de garder le contact. Mon père se contentait de m'écrire en disant qu'il ne voulait absolument pas que je vienne le voir là-bas et ensuite... il est mort.

Je calcule l'âge qu'avait le gosse quand toute cette histoire a pris fin. Dorian a dix-huit ans aujourd'hui. J'ai passé presque trois années en taule et deux se sont écoulées depuis ma sortie. Il avait treize ans quand Edward a été pris. Donc seize ans, plus ou moins, quand il a disparu de sa vie.

- Ça devait être dur pour toi.

- C'est clair. On était super proche et même par écrit, je continuais à sentir ce lien. Je regrette que la dernière fois où je l'ai vu, c'était à son enterrement...

- Est-ce que tu as déjà rencontré des amis de ton père ? demandé-je.

Je n'oublie pas que j'ai demandé à Arley de m'obtenir un entretien avec son père. Finalement, rencontrer Dorian avant Troye me permettra de savoir si l'autre me dira la vérité. Le gamin semble honnête. Il a tellement envie que je l'adopte qu'il n'oserait pas me mentir.

- Jamais. Quand il venait à la maison, c'était toujours seul. Quand il m'emmenait pendant plusieurs jours, ce n'était pas chez lui. On partait à la mer, n'importe où... Je n'ai jamais vu où il habitait. Mais une fois, on était en week-end tous les deux, papa était sous la douche et son téléphone a sonné. C'était genre... deux ans avant qu'il ne parte en prison. Je m'en souviens parce que je ne l'avais jamais vu aussi apeuré et en colère que lorsqu'il a vu que j'avais décroché.

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