Chapitre 14 : Isaac

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Quand la porte s'est ouverte, une heure après le départ de Connor, je suis brusquement sorti de mon état de léthargie, avec l'espoir que ce soit déjà lui. J'étais prêt à balayer les dernières heures d'un revers de la main, à me fondre dans ses bras et à profiter du reste du week-end dans notre chambre et de n'en sortir que lundi matin pour le travail. Évidemment, ce n'était pas lui, mais ma mère, surprise de me trouver ici et seul.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Le week-end est parti en vrille. On est rentrés. J'ai oublié de te prévenir. Désolé de t'avoir fait venir pour rien.

- Tu n'as pas l'air d'aller bien. Où est mon idiot de beau-fils ?

- Sorti.

Elle a senti que quelque chose n'allait pas. Elle a ce don pour détecter le moindre problème chez les gens. C'est une qualité fondamentale dans son job. Cette fois n'a pas fait exeption. Elle s'est ruée sur moi afin de me prendre dans ses petits bras frêles en chuchotant des paroles réconfortantes qui m'ont donné envie de chialer comme un môme. C'est un peu ce que je suis redevenu. Un enfant perdu. Elle savait déjà pour le père de Connor, je me doutais bien que le mien lui avait tout raconté en rentrant à la maison hier soir, mais elle m'a laissé parler. Je lui ai raconté la scène de la veille au commissariat, ce qui s'est déroulé dans la chambre de la petite maison de Travis, ce matin dans sa cuisine et tout à l'heure ici même. Elle a soupiré, a caressé mes cheveux sans rien dire. Son silence m'a perturbé. Elle avait toujours un truc à dire d'habitude.

- Je vais te préparer un petit quelque chose à grignoter et nourir le chat. Repose-toi.

- Pourquoi tu ne dis rien, maman ?

J'avais désespérément besoin qu'elle me parle. Qu'elle me rassure. Il fallait qu'elle dise au moins quelques mots pour ne pas que je m'effondre comme une loque.

- Connor est contrarié par son père. C'est normal qu'il soit déboussolé et n'ait pas pu te répondre hier. Malgré tout, je regrette qu'il soit parti. Il aurait dû rester et parler avec toi pour démêler ses pensées en ta compagnie. Tu es l'une des rares personnes à le comprendre totalement. Mais tu le connais bien mieux que moi. Tu sais qu'il est très impulsif et qu'il ne réfléchit pas toujours aux conséquences de ses actes. Néanmoins, je sais qu'il t'aime plus que tout au monde. Je suis une mère, une maman sent ces choses-là. Il va revenir et j'espère bien qu'il sera disposé à arranger la situation. Tu n'as rien à te reprocher, chéri.

Ça, je le savais. Peut-être m'étais-je mis en colère, mais j'avais la certitude que ma réaction était tout à fait légitime et même si, un instant auparavant, j'étais plus que disposé à pardonner et à remédier à la situation, j'avais eu raison ce matin. J'en avais marre d'être celui qui s'abaissait toujours à s'excuser même quand il n'était pas en tort. C'était à Connor de faire le premier pas vers la réconciliation. Je devais avoir confiance en lui.

J'ai pris juste une bouchée de ce que ma mère m'avait préparé, trop barbouillé pour avaler quoi que ce soit. Elle est restée avec moi un moment avant de rentrer chez elle. Le soleil était en train de se coucher et Connor n'allait pas tarder. Il l'avait promis. Il serait là d'un moment à l'autre pour préparer le dîner. J'y croyais dur comme fer. Les minutes ont défilé, sont devenues des heures et il ne s'est pas manifesté. J'avais envie de l'appeler, de faire le tour de la ville afin de mettre la main sur lui et je suis pourtant rester assis, seul sur le canapé, devant un écran de télé éteint. Lorsque Minou est venu me rejoindre, grimpant sur mon torse pour nicher sa tête contre mon cou, sans même chercher à me martyriser à l'aide de ses griffes, j'ai compris que je me faisais des illusions. Il n'était pas près de rentrer et le chat devait forcément le sentir pour venir quémander les câlins qu'il me refusait chaque fois que j'essayais de le toucher. Il se sentait abandonné lui aussi. Nous nous sommes réconfortés tous les deux et à l'aube, alors que je voyais les premiers rayons de soleil s'infiltrer par la baie vitrée, je me suis senti partir.

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