Chapitre 6 : journal d'Edward

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J'ai entendu, lors de la pause de midi tout à l'heure, une fille dire qu'elle écrivait tout ce qu'elle ressentait dans un journal. Apparemment, se confier à un cahier l'aide à se libérer. À vider sa tête. J'ai trouvé ça débile sur le moment puisque des pages noircies d'écriture ne peuvent pas te répondre ou trouver un remède à tes maux, puis j'ai réfléchi. Pourquoi pas après tout...

Je suis le deuxième et dernier enfant de mon foyer. Mon père ne voulait pas d'un autre bébé après Dorian. Je le sais, car il l'a déjà dit sans se soucier de ce que ça pouvait bien me faire. Il prétend avoir obtenu la perfection du premier coup avec mon grand frère alors il ne voyait pas l'intérêt de donner la vie de nouveau. Ma mère voulait une petite fille. Il a fini par céder. C'est de moi dont ils ont hérité... Un fils.

Forcément, la déception fût grande pour tous les deux. Enfin, j'imagine aisément qu'ils ont dû tirer une tronche de six pieds de long en apprenant le sexe de leur futur enfant. Qu'est-ce que j'y peux moi ? La nature m'a fait ainsi. C'est comme ça.

La plupart du temps, je vis dans l'indifférence complète. De mon père. Ma mère est plus attentive à ma présence, mais a une santé très fragile. Elle ne peut décemment pas m'offrir toute l'attention que je mérite. Si je la mérite déjà... Paraît que ce serait de ma faute ces problèmes de santé. Que sa grossesse lui a causé énormément de soucis. Encore une fois, en suis-je vraiment responsable ? Le seul qui se préoccupe de mon bien-être, c'est mon grand frère.

Je suis un élève médiocre quand Dorian excelle dans toutes les matières. Il est solaire et lumineux quand je ne suis que ténèbres. Il attire tous les regards et la sympathie alors qu'on a plutôt l'habitude de me fuir. J'ai peu de potes et franchement, on ne peut pas prétendre que ce sont de bonnes fréquentations. Mais ce sont les seuls que j'ai alors je ne vais pas m'en plaindre.

Mon frère est la fierté de nos parents. Le fils parfait. Éternellement souriant, serviable, agréable, jamais un mot plus haut que l'autre. Pas comme moi. Parce que j'en ai marre de vivre dans cette baraque de merde avec des gens qui se fichent de moi. Enfin, sauf Dorian. Lui n'est pas comme eux. Il sait souvent me décrypter. Il m'écoute, me conseille quand je lui demande, passe du temps avec moi sans se forcer dès qu'il le peut. Je l'ai dit, il est la perfection incarnée. MA perfection.

Nous nous ressemblons physiquement. Si ce n'est que je suis, pour le moment, plus petit que lui. Les mêmes lèvres roses, les mêmes yeux bleus, les mêmes cheveux... Pourtant, à l'intérieur, nous sommes différents.

On pourrait croire que je déteste Dorian d'être le favori de papa et maman. C'est faux. Il n'y a rien de plus faux que ça. Mon frère, c'est celui grâce à qui je ne me suis pas déjà enfui de la maison. Franchement, c'est pas l'envie qui manque de prendre mes affaires et de partir explorer le monde loin de ces gens que je méprise. Le truc, c'est que si je me tire, je ne le verrai plus. C'est impensable.

Nous partageons une chambre tous les deux. Souvent, je le regarde dormir en me demandant ce que ce serait que d'être lui. Une journée dans la peau de Dorian Maxwell... Ça doit être quelque chose. Entouré de filles qui vous font les yeux doux, bien que je m'en carre le fion de ces groupies à la noix, de mecs qui vous admirent, de parents qui vous félicitent à chaque occasion et d'un père qui ne vous brutalise pas à la moindre contrariété, que vous soyez responsable ou non de ce qui l'a foutu en rogne.

Maman ne voit rien. Je ne pense pas qu'elle fasse semblant. Il ne me touche jamais quand elle est présente. Encore moins devant Dorian. Je suppose qu'il ne désire pas que son fils adoré puisse voir sa vraie nature. Il lui arrive par contre de me hurler dessus quand je ne ramène pas de résultats assez satisfaisants pour lui. Bien entendu, Dorian arrive à le calmer en expliquant que même si je n'atteins pas les sommets, je suis un bon élève. Il prend toujours ma défense. Je pourrais lui dire que je subis parfois des coups de pied au cul, des gifles ou même, comme l'autre jour, un poing dans la face. Je ne le veux pas. Je ne sais même pas s'il me croirait. Et puis, je n'ai pas envie qu'un jour notre père se retourne contre Dorian car ce dernier lui aura fait la morale. Il recadre déjà les cons de l'école qui me font suer. Sait-on jamais...

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