Chapitre 35 : Connor

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J'ai décidé de reprendre le travail avant de devenir cinglé. Rester enfermé dans cette maison me tape sur les nerfs. L'impression d'être inutile me rend minable, car je ne peux rien faire de concret pour mon père en attendant les fameux papiers que Judith m'a promis et qui semblent arriver à dos de chameau.

Malheureusement, je n'ai pas trouvé d'autres solutions que de prendre mon père avec moi puisque personne ne peut s'occuper de lui en mon absence. Les diverses associations que j'ai contactées sont surbookés et il m'est inconcevable de le laisser seul. J'ai bien trop peur de ce qui pourrait lui arriver ou de ce qu'il pourrait faire comme bêtises en mon absence.

Il est avec moi, assis tout près, derrière mon bureau. En faisant ça, j'espère lui montrer une part de moi qui le rendra fier même si je ne deviendrai pas l'avocat qu'il souhaitait me voir devenir. Il est vrai que je pourrai reprendre des études, il n'est pas trop tard. Cependant, je ne n'envisage pas de le faire. J'aime mon métier aujourd'hui. J'en suis pleinement satisfait. Peut-être qu'un jour je voudrais plus. Je ne sais pas...

- Surtout, tu restes dans ton coin. Tu ne me fais pas honte, s'il te plaît, dis-je une fois de plus, avant que mon prochain rendez-vous arrive..

- J'observe et je me tais. J'ai compris ! Tu l'as dit cent fois, Connor.

Je ris doucement. Il est dans un bon jour aujourd'hui. Par là, je veux dire qu'il est dans l'instant présent et de bonne humeur ! Depuis que je suis rentré avec Isaac l'autre soir, je le trouve différent, changé sans trop savoir de quoi il en retourne puisqu'il ne parle de rien. Un coup frappé à la porte me sort de mes pensées. J'invite mon visiteur à entrer tout en vérifiant son prénom sur l'agenda. Jonas Dayton. Bien. Un petit nouveau !

- Bonjour.

- Bonjour, entre et assieds-toi.

Le jeune homme obéit et je prends le temps de l'observer avec attention. Peau naturellement hâlée, regard noir, sourire qui se veut confiant alors qu'il n'en est rien, nez couvert d'un énorme pansement... Pas plus de vingt ans à première vue.

- Alors, explique moi ce qui t'amène ici.

- J'ai eu des problèmes dernièrement. Vous avez vu ma gueule, donc c'est clair je crois. J'étais à l'hôpital pour me faire soigner. Les flics s'en sont mêlés et... Bref, on m'a demandé de passer au poste de police pour donner de mes nouvelles et la personne que j'ai vu m'a parlé de cet endroit alors me voilà.

- OK. Parle-moi un peu de toi. J'ai besoin de te connaître et de retracer un peu ton histoire pour savoir comment t'aider.

- Mon histoire... Elle est semblable à beaucoup d'autres je pense. Je vivais une jolie petite vie paisible dans une maison située sur la côte, parfaitement entretenue par ma mère d'ailleurs. C'était super jusqu'à l'âge de seize ans où j'ai annoncé entre le plat principal et le dessert que j'étais gay.

Je ne peux m'empêcher de me tourner brièvement vers mon père qui boit les paroles du gamin sans afficher une once de dégoût ou d'hostilité.

- Euh... C'est qui lui ? se trémousse Jonas, mal à l'aise.

- Quelqu'un qui évalue mon travail, dis-je, mon mensonge honteux m'ayant servi toute la journée.

- Ah, OK. Donc mon père a pété un câble et a menacé de me jeter dehors. En fait, il n'a pas que menacé, il l'a fait. J'étais une honte pour lui, vous voyez le genre... J'ai eu droit à des insultes, des leçons de morale... Je pensais que j'allais devoir me démerder tout seul, mais ma mère m'a suivi. On est parti tous les deux. On s'est installé ici à l'entrée de la ville. J'ai continué ma scolarité tranquillement et je suis à la fac en ce moment.

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