XXV

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Comme à chacun de ses services, Josephat se levait chaque matin à 5h45min et quittait son lit à 6h00min. Ces 15min lui permettait de reprendre à bien ses esprits afin d'affronter la journée comme la femme forte qu'elle était.
Oh oui! Josephat était bien une femme forte, vaillante, dynamique et habile.

C'était un peu la dame à l'esprit leadership de l'affiche américaine "We can do it" lors de la seconde guerre mondiale. Cette même dame mais à la place une blouse blanche d'hôpital au lieu d'une chemise bleue d'employé d'usine, un chignon tiré en arrière au lieu d'un foulard rouge attaché autour de la tête, une peau noire ébène au lieu d'une couche caucasienne. Elle était bien cette femme mais avec beaucoup de différences. La seule similitude était dans la bravoure que toutes les deux incarnaient. Elle était brave Josephat...

Tellement brave qu'elle due renoncer à de nombreux rêves pour s'occuper de sa famille. Elle qui toujours voulait devenir actrice de cinéma, faire le tour du monde, fouler le tapis rouge, incarner milles et un personnages à la fois... tout ces rêves envolés mais pas très bien loin; parce que c'est sa vie qui est devenue un petit film dans lequel elle a le rôle principal, elle écrit l'intrigue, la suit et décide qui doit faire partie ou non de son casting. Pour l'instant, elle est à une énième saison de son existence, où elle est une mère célibataire de 2 enfants avec un emploi stable.

Josephat s'assurait de préparer le petit déjeuner pour ses grands garçons. Ils étaient peut-être déjà de grands gaillards pour le voisinage mais ils restaient ses deux petits monstres. Elle devrait s'assurer qu'ils mangent bien quelque chose avant de vaquer à leurs occupations quotidiennes. Elle s'assurait aussi de préparer la petite table pour sa maman aujourd'hui retraitée et qui partageait les lieux avec elle.

"Je ne suis plus une enfant tu sais! Je peux bien le faire toute seule!" Lui disait la sage dame souvent entre deux bouffées de pipe matinale.
"Tu l'as fait pour moi toute la vie, c'est maintenant à moi de le faire." Répondait souvent cette dernière affectueusement.

Oui Josephat était bien reconnaissante envers sa maman et elle ressentait au fond d'elle le besoin de le lui témoigner.

Elle prenait plaisir à faire ces petites tâches avant de quitter son domicile et elle ne ratait jamais le passage de son bus de travail à 7h30 pour la clinique.
Elle était infirmière notre belle et brave Josephat, tout comme l'était sa maman. Telle mère, telle fille peut-on dire! La passion lui a été transmise dès son jeune âge. Alors que les petites filles de son âge tombaient d'amour pour leurs figurines grande nature, elle, s'impatientait d'écouter les anecdotes de sa mère lorsqu'elle rentrait exténuée de ses journées à la clinique. Ses frères l'avait même surnommé "petite maman" tellement elle s'identifiait le plus à cette figure matrimoniale. Elle voulait tellement lui ressembler! Elle voulait tellement faire comme elle!

La passion lui a été transmise avec tous les dangers qui s'y rapportent. Il faut dire que sa maman n'a pas fait les choses à moitié: elle lui disait tout! Les bons comme les mauvais moments passés à la clinique. Des rumeurs des couloirs aux discussions en privé dans la salle des docteurs en chef, Josephat était déjà depuis sa tendre enfance, au parfum des ragots de la ville et des petits secrets de cette clinique que beaucoup n'ont pas connaissance.
Oui la passion a fait d'elle une infirmière qui succédait à sa mère, mais son appétit pour les cachoteries de cette clinique était aussi grande, elle avait besoin donc de se rassasier. Quoi de mieux donc d'y travailler!

Tous les matins, elle prenait le bus à la même heure et il empruntait le même chemin: il passait par le grand marchand des fleurs près du cimetière de la ville, par la grande Église du centre-ville ou de bonne heure se rendaient déjà de nombreux fidèles. Là, front adossé contre la fenêtre manuelle du bus, Josephat se réjouissait de cette cathédrale. Elle se réjouissait au moins de cette place qui permettait à des coupables de venir soulager leur culpabilité, aux pauvres de trouver de la richesse, aux orphelins de trouver un abris, aux pêcheurs de trouver l'absolution.
Bâtiment grand et fort, intriguant à la vue, qui enferme entre ses murs, les plus lourdes peines.
Le bus prenait ensuite la direction vers le nord, en allant vers le quartier des hôpitaux, mais aujourd'hui, Josephat ira vers l'est, elle a une petite commission à faire.

NORAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant