XXXIII

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DIMITRI

Et quel silence!

Quel grand calme régnait dans cette maison, notre maison. Elle n'avait pas connu beaucoup de bruits alors que nous y vivions encore ma mère et moi alors ce silence ne devrait pas être nouveau pour moi. Pourtant si, il l'était; il me dérangeait presque.

Du vivant de mon père, j'avoue qu'il y'avait un peu plus de gaieté dans cette maison. Ma mère se montrait sans cesse avec le plus beau des sourires, toujours disponible et volontaire dans les petites activités qui concernaient la communauté à laquelle nous appartenions. Sans oublier qu'elle était aussi des plus aimables avec le personnel de la maison. L'amour qu'elle portait pour son époux était bien plus grand que je ne l'imaginais, bien trop grand même qu'elle ne pouvait s'empêcher de le partager avec son entourage.
C'était inimaginable de penser autrement de ma mère, elle était cupidon tombée tout droit du ciel. Même lorsque ma soeur Michelle se plaignait de ne pas être traitée justement dans le foyer, c'était difficile à croire parce que ma mère adorait les enfants et elle était très aimante.

Avec le temps, papa s'était convaincu que sans doute sa fille aînée ne digérait pas la rupture avec sa mère, que papa se soit remarié. Mais c'était bien trop mature à la réflexion pour une fille de son âge, bien trop grand pour elle de penser ainsi. Il comprit alors qu'elle se faisait entêtée lorsqu'elle était entre les mains de sa génitrice et que fort probablement cette dernière lui mettait des idées derrière la tête pour réduire à zéro son nouveau mariage.
Des idées sombres fâcheuses que ma soeur s'était finalement convaincue a portée comme une vérité. Ou alors elle incarnait trop bien ce rôle et elle nous roulait aussi dans la boue.

Quoiqu'il en soit, mon père n'eut pas le temps de mettre de la lumière sur les intentions inavouées de Michelle, qu'il mourut peu de temps après, des années de combat contre une maladie incurable.
S'installa alors le deuil dans la maison qui jadis était gaie.

Maman commençait donc à se replier sur elle-même. À mesure qu'elle couvrait de draps blancs les différents meubles de cette maison et celles qui étaient utilisées par mon père, elle couvrait aussi en même temps la flamme vive de son cœur. C'était comme si Frédérick Morris avait emporté avec lui dans la mort, le cœur de son épouse.

Nous ne connaissions pas le silence ma mère et moi, nous ne l'avions jamais connu. Pourtant, ça n'avait pas été difficile pour nous de nous y habituer.

Doucettement nous nous fîmes à cette idée que plus jamais les choses ne pouvaient plus être comme avant. Les moments à table se passaient qu'aux bruits des couverts, les "bonne nuit mon chéri" étaient devenus des simples baisers silencieux sur le front et quelques fois de soupirs lorsqu'elle éteignait l'interrupteur de ma chambre. Les quelques fois que des voix s'élevaient s'étaient lorsque je surprenais Romina à sangloter lourdement dans sa chambre, le visage étouffé contre son lit. Elle regrettait le départ si rapide de son époux, mon père.
Alors je me suis fit une promesse: de la rendre fière et heureuse mais surtout que jamais plus, le silence n'allait régner dans cette maison.

Peu de temps après vint alors la phase d'après le deuil. Mon père avait une renommée très importante que les gens ne pouvaient que se montrer compatissant vis-à-vis de nous. Je me fis alors des copains qui ne refusaient jamais une invitation à prendre le goûter chez moi. La maison gagnait peu à peu vie, je voyais se dessiner petit à petit un sourire sur les lèvres de ma mère. Elle était heureuse de me voir en de si bonne compagnie.

Le silence finit par céder et les élévations de voix commencèrent dans la maison. "Dimitri tu t'es encore battu à l'école!" "Non Monsieur, les jeux vidéos c'est après les devoirs." "Dimitri ta chambre doit être rangée avant 4h ce soir!"

NORAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant