NORA

XXVIII

Ce soir là, il eut plus de mouvements qu'auparavant dans la demeure Richards.

Jamais encore les murs de cette architecture majestueuse n'avaient tremblés aux échos de ces voix. Jamais encore des voix n'avaient grondé comme des tonnerres dans ces lieux: c'était d'un chaos sans précédent.

Une soirée catastrophique digne d'un scénario apocalyptique mais sans toutes ces catastrophes naturelles et l'enlèvement tant attendu par les fervents croyants. Hélas! Il n'en restait plus rien de ce désastre sauf ce pesant silence.

Les débris de verres ont été nettoyés, les tâches de sang ont été essuyées, les portes ont cessé de claquer, les urgences ont enfin quitté les lieux et le calme avait envahi cette place.

Silence!

Même le ciel au dehors avait cessé de gronder et les nuages pleuraient moins. C'était comme si la nature s'était accordée afin de rendre ce moment un peu plus harmonieux, un peu plus gai. Mais en dépit de ceci, tout n'était pas aussi silencieux qu'on pourrait le prétendre.

Qui pourrait se coucher paisiblement dans son lit douillet après de telles secousses?

[NICOLE]

Nicole? Peut-être bien! Oui elle était enfin endormie. Elle-même ne pensait pas fermer l'œil de la nuit après tout ce qui s'est passé mais la voilà endormie. Mais pour combien de temps? Il fallait espérer que la dose de sédatif injectée par le médecin puisse avoir des effets au moins sur le long terme, le temps de cette nuit.

Recroquevillée dans son lit, son visage ne dessinait aucune émotion particulière, on ne pouvait d'ailleurs pas savoir si elle faisait un doux rêve ou un cauchemar. Peut-être était-ce mieux pour elle de ne point rêver et de laisser son esprit se reposer et mieux digérer tout ce qui venait de se passer.
Elle dormait paisiblement.

Il y'avait ce trait de larme sèche sur son visage.
Elle versa quelques larmes avant de finalement s'évanouir au pays de l'oubli et l'inconscient. Qu'en sera-t-il lorsqu'elle sera finalement revenue à elle? Lorsqu'une fois éveillée elle prendra conscience de toute cette situation, de tout ce fouillis?
Surtout pas une autre crise de nerf! Surtout pas un autre craquage après la scène de toute à l'heure!

[ASTRIDE]

Inquiète, Astride était près de sa mère, à ses côtés. Jamais encore elle ne l'avait vue dans cet état. Jamais encore elle ne l'avait vue dans une si grande colère qui lui a même coûté un craquage neurologique. Et jamais encore elle ne voudrait qu'une pareille chose se reproduise.

Oui c'est vrai, elles n'étaient pas si proches toutes les deux mais elle l'aimait d'une façon particulière.
C'est aussi vrai qu'elles n'avaient pas cette relation fusionnelle mère-fille, mais elle lui portait de l'amour au-dedans.

Pendant plusieurs années, elle s'était toujours demandée si réellement elle se sentirait mal si quelque chose arriverait à sa génitrice, si elle serait autant effondrée comme elle l'avait été pour son père lorsqu'il avait eu ce petit accident de voiture alors qu'il se rendait à son golfe du week-end.
Ce n'était que sa mère et rien de plus.
Pourtant, lorsqu'elle la vit s'effondrer sur le parquet carrelé, inconsciente avec un pouls faible, elle avait l'impression qu'une partie d'elle était en train de la quitter. Astride comprit ce soir là que tout au fond d'elle, elle portait de l'amour pour cette femme qui pourtant était distante avec elle dans son enfance pour des raisons qu'elle ignore jusqu'à présent.
Elle aimait cette femme mais elle avait peur. Peur que cela ne soit réciproque, peur de se faire rejeter de nouveau. Et cette nuit, elle avait seulement peur de la perdre.