II

59 14 3
                                    


Le vendredi était le jour préféré de la semaine de Nora, c'était le début de son week-end. Bien qu'elle aime beaucoup son travail et sa patronne, elle avait besoin d'un moment aussi pour décompresser loin de Astride et Hilaire.
Nora passait ses week-ends chez son amie Martha, qui loue un appartement assez modeste dans le centre-ville.

Martha est la meilleure amie de Nora, elles se connaissent depuis l'orphelinat où elles ont grandi ensembles. Chacune a toujours été une soeur pour l'autre, chacune comblait le vide laissé par leurs parents respectif, chacune consolait l'autre chaque fois qu'une famille se rendait dans l'établissement et qu'elle n'était pas prise en adoption.

Nora a passé toute son enfance jusqu'à l'adolescence dans cet orphelinat, elle n'a jamais été sujet de convoitise pour les nombreux couples qui défilaient par période dans les lieux. Elle ne comprenait d'ailleurs pas pourquoi. Peut-être suis-je maudite! S'exclamait-elle par moment dans sa chambre.

Les jours devenaient pénibles pour la jeune fille, il ne se passait pas un seul jour sans qu'elle ne fléchisse ses genoux, dans la pénombre de son dortoir, mains jointes, le cœur lourd, implorant l'invisible de lui venir en aide. Nora n'avait trouvé meilleur refuge que dans la prière, son cœur égal à un arbre qu'elle arrosait chaque jour.

Mon père, ne devrais-je pas déjà avoir un jardin en ce moment? Pourquoi donc arroser une plante qui ne produit aucun fruit? Avait-elle demandé au Père Augustin, en sanglots, après avoir entendu le verdict négatif de la mère supérieure. Le temps de Dieu n'est pas celui des hommes mon enfant, la semence de ton travail sera bien plus grande que ce que ton cœur ne désire. Lui avait répondu le curé, la voix consolante.

Le père Augustin était un acteur important dans la vie de Nora, de sa vie à l'orphelinat jusqu'à sa sortie. Il était le rocher physique sur lequel elle s'appuyait en moment de détresse. Il avait toujours les mots justes pour la rassurer et raffermir sa foi, parce que oui, Nora se sentait abandonnée par le gardien de son jardin. Tu as déjà été exaucée avant même que ta demande ne soit formulée, aimait-il lui dire sur ce même ton rassurant.

Nora était sans doute rebutée de son long séjour chez les bonnes sœurs, mais cette résidence lui a permis au moins de rencontrer une amie qui par la suite est devenue sa sœur.

Martha a été embrassée par les bonnes sœurs alors qu'elle n'était qu'une fillette de 10ans. Gamine mais pourtant toute une histoire à raconter. Elle a toujours été une fille sur la réserve: calme, peu bavarde, visage de pluie, très renfermée. Elle ne se sentait pas à sa place parmi toutes ces petites filles de sa tranche d'âge qui criaient, couraient, chantaient, dansaient dans les allées de l'établissement.
Elle aurait aussi aimé s'amuser avec elles, se faire de nouvelles amies, jouer à la marelle et tous ces jeux qu'elle voyait à travers sa fenêtre, dans sa chambre alors qu'elle était encore chez ses parents. Où étaient-ils d'ailleurs? Pourquoi était-elle là?

Gamine de 10ans mais pourtant toute une histoire à raconter: un beau-père alcoolique dont elle était objet de fantasme, une mère très peu présente et qui ne manquait aucune occasion de la battre toutes les fois qu'elle dénonçait les comportements déplacés de sa nouvelle figure paternelle. TU ME POURRIS LA VIE! Lui criait sa mère dans un élan de colère et s'en suivait ensuite des coups sur chaque partie de son corps qu'elle ne réussissait à protéger lorsqu'elle se débattait.

Martha était seule et parlait à peine aux filles de son dortoir, sa froideur n'échappait à personne, même pas à Nora qui est devenue par la suite son manteau. Les deux fillettes se sont rapprochées, et chacune est devenue la force de l'autre.

Nora ne pouvait s'empêcher de penser à leur passage dans l'orphelinat chaque fois qu'elle voit son amie aujourd'hui. Une fille qui aime la vie et une éternelle amoureuse de la liberté.

NORAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant