XXIII

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HILAIRE

Une fois de plus, je pris mon petit-déjeuner tout seul ce matin.

C'était la même chose, depuis déjà je ne sais combien de jours, des semaines probablement. J'ai arrêté de les compter lorsqu'ils ont fini par excéder les 7 jours. Ma chère et tendre épouse était comme distante; là, mais à la fois très loin de moi.
Que se passe-t-il donc?

Tous les matins, elle s'assurait à toujours prendre le café avec moi. Qu'importe ce qui s'est passé la veille, qu'importe si nous avions eu une simple chamaillerie ou alors une forte dispute, le matin c'est comme si tout était resté dans la nuit. Nous nous donnions l'opportunité de partir sur de nouvelles bases chaque matin à l'heure du petit-déjeuner. Et depuis déjà des semaines plus rien.

Serait-ce le travail? J'en doute fort. Je ne pense pas que les associations caritatives puissent procurer autant de stress que les industries.
Qu'est-ce qui pouvait donc la rendre si distante?

J'appris juste qu'elle laissait quelques commandes à Nora sur la manière de dresser la table au petit matin, et elle préparait spécialement mon petit paquet de la journée pour éviter que j'aille déjeuner entre mes pauses avec des collègues. Je pense que c'est surtout à cause de ma secrétaire, elle ne voudrait encore en aucun cas qu'elle soit proche de moi, ou peut-être c'est parce qu'elle m'évitait de monter et descendre le grand bâtiment de cette société à chacune de mes pauses.
Bien qu'on se voyait déjà que très peu, elle avait toujours ces petites attentions à mon égard mon épouse. Ce sont ces petits gestes d'attention, cette délicatesse et cette grâce qui m'ont fait tomber amoureux d'elle.
Je l'aime ma petite femme, je l'aime malgré tout.
Mais elle a changé...

Alors que je pris ma douche ce matin après mon petit-déjeuner solitaire, je revivais la genèse de ma relation avec Nicole.
Elle vint dans la société de mon père à la recherche d'un emploi, elle disait qu'elle en avait besoin, c'était plus qu'une urgence. Je me souvins encore de la façon dont elle était assise, serrée, dans sa chaise en face du PDG qui lui faisait passer un interrogatoire. Moi assis à côté, je sculptais les traits de son visage. Au son de sa voix, à chacune de ses réponses, je voyais défiler à tour de rôle de la tristesse, de l'indigence, la simplicité, l'innocence et toutes ces choses qui ont fait d'elle la femme forte que j'ai épousé quelques temps après.

Étais-je tombé amoureux au premier regard? Non! J'étais juste curieux. Par la suite, j'ai été charmé, oui je l'avoue.
Elle était devenue ma collègue de travail, un peu une employée comme les autres dans la société, mais elle avait marqué la différence dans mon esprit.
J'ai été charmé par la suite. Elle me conquit dans un second temps, ça n'a pas été très difficile je l'avoue.
On se retrouvait toujours à la pause dans un petit café non loin de notre lieu de travail. Autour d'une table et de tasses bien chaudes, on s'adonnait à des petites anecdotes sur nos expériences de vie conjointement.

Moi, fils aîné de Bernard Richards, qui se préparait à sa transition pour occuper de grandes fonctions dans l'entreprise familiale et qui subissait les pressions de sa mère à se trouver une femme et fonder une famille.

"Dans notre société et en plus dans notre milieu, un homme digne et respecté se remarque par son emploi, sa femme et ses enfants." aimait-elle me chanter de son vivant. J'en ris encore alors que cette eau bien froide me tombait sur la tête pour me rafraîchir les idées.

Elle, fille d'une ancienne courtière qui n'était plus malheureusement parmi les vivants, cherchait à se construire une vie après avoir été trahie de la pire des manières par un ancien amoureux. Même après ces longues années de mariage, je n'ai jamais connu le fond de cette histoire, ni même l'objet de cette trahison et encore moins qui était cet homme. Peut-être je l'aurai connu! La classe bourgeoise de notre commune n'était pas si grande à cette époque, on se connaissait un peu tous. J'aurai peut-être su de quelle famille était ce type pour que je lui règle son compte pour avoir brisé cette fleur. Mais elle était forte, elle cherchait à croire au bonheur de nouveau, même si ce n'était pas dans les bras d'un homme comme elle le disait.

NORAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant