XI

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ROMINA

Allumer un cierge à la vierge était devenue une de mes activités favorites dans cette église depuis bientôt déjà un mois. Je dois bien reconnaître que cette merveille architecturale est bien très solide. Plus d'un demi siècle d'existence déjà et elle tient toujours sur ses fondations. Un vrai rocher.
Quelques petits arrangements ici et là, du matériel pour renforcer l'équipement de la cathédrale et quelques rénovations intérieures et extérieures, mais cette église reste toujours aussi solide.

J'appréhendais moins notre retour dans cette ville que je ne cesse de maudire, tellement de choses fâcheuses s'y sont passées et l'envie de vomir me prends rien qu'à y penser.
Le mépris que je ressens rien qu'à respirer l'air de cette métropole est indescriptible, me réfugier dans mon église est la seule chose qui puisse calmer mes sens. C'était le point positif de ce voyage, je pouvais enfin venir dans cette église quand bon me semble. Je n'aurai plus à côtoyer les salles d'attente des aéroports pour enfin me rendre dans cet endroit que j'ai surnommé le secret.

Oui, pendant notre absence de plus de 20ans, j'ai effectué pas plus de 3 voyages dans cette ville pour juste venir discuter de certaines affaires très personnelles avec le curé, le père Augustin. Ma famille n'en sait rien et d'ailleurs elle n'est pas obligée de la savoir. Je reste une adulte après tout.

Pour Dimitri, c'était aussi la première fois que j'y revenais après exactement 23ans d'absence mais ce qu'il ne sait pas c'est que j'étais déjà revenu 3fois en 3 années successives. Mais malgré tout, ça fait déjà près de 19ans que je n'y ai plus mis les pieds. Pour quel intérêt d'ailleurs? Mes visites consistaient à visiter le père Augustin et vérifier quelques petits détails au passage; une fois obtenu le contact du père, je n'avais plus aucune raison d'y mettre pieds.

Et pourtant, me voici de nouveau, genoux fléchis devant cette vierge silencieuse et magnifique, parée de fleurs et des bougies allumées à ses pieds. Me voici de nouveau dans cette église, dans mon Secret.

La vierge est celle qui me comprend le mieux. Elle savait parler à mon cœur et le laissait entendre ce qu'il désirait entendre. Le père Augustin est un homme après tout et fait de chaire, sa langue est à deux coupons même s'il ne veut point l'admettre: lui aussi est plein de jugements, lui aussi était un pécheur. Qui était-il pour me traiter de pécheresse quand lui même n'est pas mieux que moi? N'est-il pas le gardien inavoué de mes secrets? Dieu seul avait le droit de me qualifier de la sorte!

Mais il est un Dieu miséricordieux et aimant, lui seul connaît ce qu'une femme, une mère est prête à faire pour protéger les siens. La vierge en face de moi a donné naissance au fils du monde, elle aussi est une mère, elle aussi a subi les douleurs de l'enfantement, elle aussi connaît ce que c'est le sacrifice maternel.
Et c'est pourquoi je me retrouvais toujours sur mes genoux devant elle, à me recueillir auprès de cette sculpture silencieuse physiquement mais communicative au dedans.

"Sainte Marie mère de Dieu, priez pour nous pauvres pêcheurs, maintenant et à l'heure de notre mort.... Amen"

C'était ainsi que je concluais ma prière, sans oublier le baiser que je donnais affectueusement aux 59 grains noirs dans ma paume de main. Ces perles rattachées les unes aux autres par une corde suffisamment solide pour tenir jusqu'à aujourd'hui, plusieurs années déjà que je le traîne. Une des choses les plus précieuses que Gerhard ne m'a offert de son vivant... mon regretté époux. Il est déjà assez usé mais je le garde très précieusement, lui mon fidèle compagnon, lui qui connaît le secret de mes prières et les combats de mon cœur, lui, ce chapelet.

Me recueillir devant la vierge était la première étape de ma visite en ce dernier jour ouvrable de la semaine, il fallait ensuite que je laisse mon cœur s'exprimer devant le très haut.
La distance entre la grotte de Fatima et l'église n'était que minime, mais cette distance était assez pour savourer les regards qui se jetaient sur moi. Des regards qui expriment la peur et la crainte, des grincements de dents pour justifier mon passage, des sourires affectueux en guise de respect et des œillades sur le noir de mes vêtements. J'étais une femme que beaucoup redoutaient, une femme mystérieuse et très peu expressive; peu de personnes ne m'approchaient alors pour l'occasion. Cela ne me dérangeait que très peu, au contraire, ça me permettait d'éviter de salir les paumes de mes mains pour des perfides.

NORAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant