Chapitre 2

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Novembre 2019

- Maman ! maman ! tu 'êves maman ?

Une petite main potelée me secoue gentiment la tête. Assise sur mes genoux, Anna-Line me ramène à la réalité avec la douceur que ses 3 ans lui permettent.

- Maman, mont'e les aut'es photos !

Ma petite curieuse veut voir à quoi ressemblait sa maman au même âge. C'est ainsi que nous avons ouvert la boîte à souvenirs, le disque dur externe où sont compilées toutes mes photos. En tombant sur cette vieille photo de Max et moi enlacés, je me suis perdue dans les souvenirs de cette autre vie, de ce passé si lointain mais dont les émotions sont encore si vivantes en moi.

- Ninie, pourquoi tu ne demandes pas à papa de te montrer ses photos d'abord ? Maman va travailler un peu, et nous irons prendre le goûter dehors après. Qui voudrait une glace ici ?

Elle hurle un grand « moiiiii », et sur cette heureuse nouvelle, ma fille saute de mes genoux et court rejoindre son père. Il nous a fallu des semaines pour se mettre d'accord sur son prénom, pour finalement n'utiliser que son surnom. Cette enfant inattendue, tant aimée qui est un mélange parfait de nous deux. Et de nouveau les souvenirs m'emportent...

***Fin novembre 2009***

Les semaines se suivent et se ressemblent. La semaine, les cours et les devoirs, le week-end, les sorties et la danse. Je prends mes distances avec Max, qui semble en profiter pleinement. Il est reparti sans moi à plusieurs reprises, et Céline ne me laisse plus sortir seule avec lui.

Sauf ce soir, où elle fête un anniversaire dans sa famille. Elle a fait promettre à Max de ne pas me laisser seule sur place, il l'a juré, et je l'ai laissé prendre sa voiture en toute confiance.

Une fois sur place, alors que nous dansons depuis quelques heures, je sens un regard posé sur moi. La pénombre qui règne dans les lieux ne me permet pas de confirmer mon impression. L'alcool me monte un peu à la tête, j'ai peut-être bu un verre de trop.

Je décide de descendre du podium, prise d'un vertige clairement causé par la vodka, produisant tous ses effets sur mon estomac vide. J'accélère le pas pour me rendre aux toilettes, où je me mouille les bras et la nuque pour faire cesser le vertige.

Après quelques minutes passées dans le calme et me sentant mieux, je décide de regagner la salle principale. Je passe la porte des toilettes des femmes, quand une main entoure mon bras et me tire dans un coin. Je me retrouve face à lui pour la deuxième fois, à l'abri des regards, alors qu'il n'avait pas fait d'apparition depuis notre « moment », il y a plusieurs semaines.

- Ça va la danseuse ? me demande une voix inquiète, grave et profonde.
- Euh oui, merci. Tu m'as fait peur...
- Pardon, j'étais inquiet. Je t'ai vue blanchir sur le podium, j'ai cru que tu allais de nouveau tomber sans que je sois là pour te rattraper cette fois.

Il y avait donc bien quelqu'un qui m'observait. Lui... Il me tient tout près de lui, par les épaules, son regard plongé dans le mien. Il a un léger accent, ça éveille ma curiosité, mais je prends le temps de l'observer cette fois.

Il me dépasse d'une tête. Une silhouette svelte mais musclée, de larges épaules, une taille fine. Sa mâchoire carrée, son sourire parfait, doux, son nez fin, ses yeux verts qui semblent me sonder... et attendre une réponse de ma part. Il est si beau, son regard est bienveillant, la chaleur de ses mains sur moi produit un effet démesuré sur ma libido et décuple ma timidité...

- Euh, non, enfin oui...

Et là, sans même réfléchir, poussée par ce désir incontrôlable qui a mis le feu au creux de mon ventre, je colle mes lèvres sur les siennes. Il me laisse chastement l'embrasser, ses mains toujours posées sur mes épaules.

Il me faut quelques secondes, vodka oblige, pour ouvrir les yeux et saisir le malaise de la situation. Je me recule, en bredouillant quelques excuses. La honte... Mais qu'est-ce qui m'a pris... Je n'ai jamais fait ça de ma vie. Tout se bouscule dans ma tête, aucune phrase sensée ne se forme, je suis envahie par un sentiment de panique.

Je me dégage de son étreinte brusquement et file retrouver Max. Je suis PI-TEUSE, je n'ai qu'une envie, disparaître ! M'en aller serait déjà un bon début. La soirée est bien avancée, il acceptera peut-être de partir maintenant.

Mais Max n'est plus sur le podium. Ni au bar. Ni aux toilettes. Ni au fumoir. Je retourne au bar pour interroger Grégoire, qui me dit l'avoir vu partir main dans la main avec Marjorie il y a quelques minutes.

SU-PER.

Je me dirige vers la sortie. Dans le couloir, désert à cette heure où tout le monde se déhanche sur la piste, j'entends du bruit derrière une porte portant un panneau à la mention « sans issue ».

Mon cœur se serre. Ce grognement de plaisir que j'ai si souvent entendu, je le reconnaîtrais entre mille... Putain...

Ne m'épargnant décidément rien ce soir, je décide d'ouvrir la porte. Le spectacle devant mes yeux disparaît vite dans mes larmes : je découvre Marjorie à genoux, très affairée, faisant profiter à un Max ravi, vu le rose de ses joues, d'un de ses talents...

Surpris, ils me regardent tous les deux, et sans attendre leur réaction, je me rue vers la sortie.

J'entends la porte de ce placard de service se refermer alors qu'ils gloussent comme des adolescents.

Les larmes coulent sur mes joues, pas de tristesse, mais de colère. Quelle idiote je suis de lui avoir fait confiance, quelle imbécile je fais ce soir ! Je savais que ça allait arriver, je le savais ! Et maintenant, me voilà sans solution, sur ce parking, frissonnant par cette fraîche nuit d'automne.

- Qu'est-ce que je suis conne ! Putain !
- Non, c'est ce mec qui est un crétin.

Je me raidis immédiatement. Cette voix, cet accent, encore... Je me retourne doucement et fais face, à nouveau, à l'inconnu que j'ai stupidement embrassé plus tôt. Je sens une vague de chaleur monter à mes joues et baisse immédiatement les yeux vers le sol.

- Je suis désolée.

Il prend doucement mon menton entre ses doigts, le relève et son regard s'accroche au mien.

- Est-ce que tu as besoin que je te ramène ?

J'aimerais éviter ce huis-clos gênant avec lui, mais la boîte est à 20 minutes en voiture de mon appart, et il n'y a pas de taxi en vue.

- Oui, merci, si ça ne te dérange pas.
- A une seule condition la danseuse.
- Oui ?
- Pas de question.
- D'accord. Merci. Au fait, moi c'est Julia. Enchantée...
- Sully. Tout le monde m'appelle Sully.

Le trajet vers la ville se fait dans un silence gêné. Il a une très belle voiture, un modèle récent et luxueux. Il m'a d'ailleurs proposé d'activer le siège chauffant et je découvre avec stupeur que cette sensation de chaleur sous mes fesses est tellement agréable qu'elle renforce l'humidité provoquée entre mes cuisses par sa simple proximité.

Tous mes sens en émoi, j'ai l'impression de n'être que désir. Je me demande s'il le ressent et de nouveau, je sens le rose me monter aux joues. Je mets cette soudaine montée de libido sur le compte de l'alcool et des émotions de la soirée.

Il me demande de lui indiquer où me déposer. Il s'arrête devant chez moi, prend ma main et l'embrasse.

- Bonne nuit la danseuse, prends soin de toi.

Et sans un mot, je sors de sa voiture, lui fais un signe de la main et rentre chez moi.

Sous des cieux plus cléments [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant