Chapitre 16

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Août 2010
 
Nous avançons lentement dans un quartier résidentiel de Montréal, situé à l'ouest du Mont Royal, judicieusement nommé Westmount. Jane m'explique que ses parents, francophones, ont souhaité s'installer dans cet environnement pour que leurs enfants soient parfaitement bilingues, et aient le goût des voyages et des autres cultures.
 
- Objectif atteint ! rit Jane en mettant son pouce en l'air devant son visage. Sauf qu'ils pleurent désormais parce que nous voyageons trop ! À part ma sœur Vicky qui est installée ici dans une vie de famille digne d'une « Desperate Housewife », nous sommes tous de grands voyageurs. D'ailleurs, ils ont trop hâte au week-end prochain, pour tous nous réunir au chalet !
 
Elle stationne sa voiture dans l'allée d'une grande maison aux murs rouges, aux boiseries blanches et entourée de verdure. On accède à la haute demeure par un élégant escalier qui mène à un porche couvert. Elle est beaucoup plus longue que large et je remarque qu'une fenêtre de l'étage donne accès à un petit balcon abrité. Les fenêtres s'ouvrent en glissant vers le haut, comme dans la série de mon adolescence, Dawson. La rue entière, bordée d'arbres et de larges trottoirs, me semble tout droit sortie d'une série télé, type Desperate Housewives.
Tout à ma contemplation, je ne remarque pas immédiatement Jane en train de galérer pour sortir ma valise du coffre du SUV. Je l'entends pester et reviens à la réalité pour aller l'aider. Une voix couvre rapidement nos jurons.
 
- Attends, chérie, je vais m'en occuper !
 
Le père de Jane descend prestement les escaliers en nous souriant, et je suis surprise en constatant que cet homme d'une soixantaine d'années a encore une ligne impeccable et semble avoir de l'énergie à revendre. Ses yeux d'un bleu franc, sa carrure musclée, sa démarche agile et assurée, tout en lui respire le tonus. Seuls ses cheveux poivre et sel trahissent son âge.
 
- Enfin, je mets un visage sur un nom, me dit-il en s'approchant et en se penchant vers moi, les bras grands ouverts. Bienvenue à Montréal ! Ravie de te rencontrer ma chère Julia !
 
- Merci ! Ravie de vous rencontrer moi aussi, monsieur Gaudreau ! Vous êtes super grand ! dis-je en pensant à haute voix, tandis qu'il me donne une accolade.
 
- Ahahah, fais-moi plaisir, appelle-moi André ! Et ici, le tutoiement est de rigueur, c'est pareil que par téléphone chère ! ajoute-t-il avec un clin d'œil.
 
Les parents de Jane avaient en effet déjà insisté par téléphone pour que je les tutoie, ce qui était beaucoup plus facile à faire sans les voir. Empoignant ma valise sans difficulté apparente, il ouvre la voie et gravit les marches en nous encourageant à le suivre.
 
- Allez, entrons ! Marie-Eve a hâte de te rencontrer elle aussi !
 
WA-OUH ! Surprise par la fraîcheur qui règne dans la maison, je n'en suis pas moins subjuguée par la décoration et l'ambiance de cet édifice. Un escalier se dresse à la droite de l'entrée, tandis qu'à gauche une grande pièce faisant visiblement office de salon et de salle à manger s'étend jusqu'à une immense baie vitrée donnant sur le jardin. Les moulures, le bois au sol, les couleurs douces, tout cela donne à cette maison la chaleur d'un cocon. Face à nous, un couloir dans lequel m'emmène Jane, nous mène à l'immense cuisine, construite comme une véranda, inondée de lumière. Les meubles sont sobres, un îlot central qui fait également office de table rythme la circulation. La mère de Jane passe un bras autour de son épaule et ouvre l'autre à ma destination lorsque je pénètre dans la cuisine.
 
- Bonjour Julia ! Quel plaisir de te rencontrer enfin et de t'accueillir chez nous !
 
- Merci Madame Gaudreau. Je vous suis très reconnaissante de votre invitation, c'est très gentil !
 
- Appelle-moi Marie-Eve s'il te plaît, j'ai déjà assez de mes cheveux blancs pour me vieillir ! Avec plaisir ! Est-ce que tu as faim ? Ou tu préfères-tu te rafraîchir d'abord ? J'ai préparé quelques bagels au saumon, Jane adore ça et elle était sûre que tu allais aimer.
 
Elle désigne du doigt des petits pains ronds et dorés avec un trou en leur centre. Je n'ai jamais goûté ce type de pain, mais j'ai confiance en mon amie, je ne l'ai jamais vue manger quelque chose que je détestais.
 
- Je ne suis pas contre un petit en-cas, mais j'aimerais pouvoir me débarbouiller d'abord, j'ai l'impression de sentir une drôle d'odeur, ça doit être l'avion.
 
Marie-Eve et Jane se regardent et rient joyeusement.
 
- On croirait entendre mon frère, il dit tout le temps qu'il n'aime pas l'odeur que laissent sur lui les voyages en avion. Autant dire qu'il se lave énormément, dit-elle en riant à nouveau.
 
- Julia, j'ai installé ta valise dans la chambre à côté de celle de Jane, au deuxième étage, c'est l'ancienne chambre de Vicky.
 
- La décoration est restée, comment dire... d'époque. J'espère que tu n'as rien contre les Backstreet Boys, renchérit Marie-Eve en riant.
 
- Suis-moi, je vais te montrer ça et la salle de bain ! me guide Jane.
 
Nous grimpons deux séries de marches et arrivons sur un palier distribuant quatre portes en étoile. A ma gauche, Jane m'indique qu'il s'agit de « ma » chambre que j'entrevois par la porte ouverte, la sienne est en face de moi. La porte juste à côté est fermée, elle est identifiée par une feuille de papier au nom de « Katie ». Enfin, la porte dos à nous sur la droite cache une salle de bain.
 
- Il y en a 3 en tout, c'était nécessaire pour une grande famille comme la nôtre. En dessous, c'est la chambre des parents et celle de mon frère, et une autre salle de bain. Je te laisse te rafraîchir ma belle, je t'attends en bas ! Je meuuuuuurs de faim !
 
Pénétrant dans la chambre, je m'assieds sur le lit et contemple ce qui m'entoure. Elle ressemble à ce dont je rêvais à l'adolescence : un grand lit en fer forgé blanc surmonté d'un baldaquin, un matelas moelleux à souhait, des draps blancs qui donnent immédiatement envie de s'y allonger et plusieurs coussins aux couleurs pastel. Les murs sont recouverts d'un papier peint gris clair pailleté que je n'ai jamais vu ailleurs. Au bout du lit trône une jolie coiffeuse blanche surmontée d'un grand miroir avec des ampoules sur les côtés, digne des stars de la télé. Et là, c'est le drame, derrière cette coiffeuse, point de mur mais un océan de posters des Backstreet Boys. Je suspecte Vicky d'avoir eu le béguin pour Nick, le petit blond qui faisait craquer toutes les filles dans la cour de récré.
 
Je ne traîne pas à aller me doucher, chassant ainsi le coup de barre qui menaçait. Il est 14h ici, 20h en France, mais je me suis levée aux aurores pour rejoindre l'aéroport. Un peu de nourriture rechargera les batteries, et m'évitera d'être trop incommodée par le décalage horaire.
 
Le délicieux bagel au saumon englouti (je ne connaissais pas il y a encore quelques heures, mais cette association 'bagel cream cheese saumon' est clairement devenu mon nouvel aliment préféré), Jane me propose d'aller faire un tour du côté du Mont Royal. La « montagne », comme elle l'appelle, trône au centre de la ville de Montréal. 

Nous décidons de nous y rendre à pied, et remontons les rues typiques du quartier, passons une école qui pourrait s'apparenter à celle d'Harry Potter, puis arrivons au pied d'un immense bâtiment religieux, l'Oratoire St-Joseph. Nous poursuivons notre promenade et parvenons au Lac aux Castors, que nous contournons et commençons à emprunter des chemins qui grimpent dans la montagne.
 
Par cette chaleur, il est agréable de marcher entre les arbres bien verts, un petit vent nous rafraîchissant de temps en temps. Notre ascension nous mène au sommet de la montagne, à l'observatoire, qui consiste en une vaste terrasse donnant une vue imprenable sur la ville.
 
Armée de mon appareil photo numérique flambant neuf, je mitraille, ébahie, la ville qui s'offre devant moi. 

Soudain, l'émotion me submerge, je me rends compte du beau cadeau que me fait mon amie de m'accueillir ici et de réaliser l'un de mes rêves. Je la serre dans mes bras, puis elle s'empare de mon appareil et le pointe vers nous. Elle appuie frénétiquement avant même que je m'en rende compte et puisse prendre la pose. Nous rions, et quand une jeune femme nous propose gentiment de nous prendre en photo face au panorama, nous acceptons avec plaisir.
 
Ce sentiment de bonheur qui m'habite me fait sentir légère, et nous décidons de redescendre vers le Parc Mont-Royal, de l'autre côté de la montagne.
 
- Tu veux-tu goûter les meilleures glaces de tout Montréal ? me demande, le regard pétillant, mon amie.
 
- Ouiii !
 
Epuisée et repue après cette journée bien remplie à tous points de vue, nous décidons de prendre le bus pour rentrer. La soirée est courte pour moi, je tombe de fatigue à 20h alors que nous profitons du début de soirée sur la terrasse à l'arrière de la maison.
 
- Va donc te coucher ma belle, tu piques du nez ! Tu profiteras mieux demain ! Tant pis pour le barbecue, tu goûteras les fameux ribs d'André une autre fois ! m'encourage Marie-Eve.
 
Je m'excuse et pars rejoindre les bras de Nick Carter et de Morphée.
 
***
Août 2020
 
- Maman, elle vient quand Marraine déjà ?
 
- Dans 2 dodos ma chérie !
 
- Ouaiiiiis ! dit ma fille, le nez collé au cadre dans lequel figure la photo volée qu'a prise Jane en haut du Mont-Royal, en « selfie » comme on dit désormais.
 
Reprenant son sérieux, elle fronce les sourcils et me demande :
 
- Euh, j'espère qu'elle va pas oublier les bagels Aviateur cette fois.
 
- Je ne sais pas si elle aura le temps de passer à St-Viateur chérie, mais elle fera son maximum pour te faire plaisir.
 
- Et moi, je lui montrerai ma danse sur Tell me why !
 
Elle s'exécute déjà, et je ne peux m'empêcher de rire en voyant que, si Jane a longtemps réussi à me cacher son jeu, faisant passer les posters pour ceux de Vicky, sa passion des Backstreet Boys n'aura en revanche pas échappé à l'intelligence de cette chipie.
 
Alors qu'elle lance la chanson sur la tablette, j'entends mon mari ronchonner depuis la cuisine où il prépare le souper :
 
- Mais quand est-ce que ça va enfin s'arrêter...
 
Je le rejoins et l'enlace par derrière, ma joue et mon buste collés à son dos.
 
- Nous sommes ton pire cauchemar ! dis-je avec une voix de film d'horreur, ce qui ne manque pas de le faire rire, avant de me répondre :
 
- It's a sweet, so sweet nightmare honey !


😊😊😊

Merci de me lire, je prends beaucoup de plaisir à écrire, j'espère que ça vous en procure autant en découvrant l'histoire!

Dépaysé.e par ce chapitre? Qui connaît Montréal?

Je voulais vous donner un petit aperçu du type de maison que j'avais en tête, n'hésitez pas à me dire si vous l'aviez imaginée comme ça.

Je voulais vous donner un petit aperçu du type de maison que j'avais en tête, n'hésitez pas à me dire si vous l'aviez imaginée comme ça

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Bon sinon, à mi parcours, des idées sur l'identité du mari? Qu'est-ce qui vous plairait?

À bientôt! Des becs!

Sous des cieux plus cléments [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant