Chapitre 24

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Nous nous retrouvons tous à table, autour d'un copieux petit-déjeuner. Les époux Gaudreau semblent attendre avec impatience le dernier retardataire, qui n'est autre qu'Alex.
 
Marie-Eve finit par l'appeler en criant dans les escaliers, à bout de patience. Il descend, la mine renfrognée, et l'air fatigué. Evidemment, je suis moi aussi crevée. Je ne rêve que d'une bonne sieste pour récupérer de cette nuit ... « compliquée » comme il l'a si bien qualifiée.
 
- Bien maintenant que nous sommes tous réunis, votre père et moi voulions vous annoncer que nous avons prévu quelque chose pour la journée. Nous allons tous profiter d'une croisière d'observation des baleines sur le Saint-Laurent pour la fin de semaine, nous annonce-t-elle, plus que ravie.
 
L'enthousiasme général la conforte dans sa joie. Je suis moi-même sur un nuage, je rêvais de pouvoir voir des baleines un jour, et si les étoiles sont alignées ce week-end, ce pourrait être le cas.
 
- Allez préparer vos affaires, nous partons pour 2 nuits et 3 jours. Pas de robes de soirée, précise Marie-Eve à l'intention de Jane, mais plutôt vos vêtements de rando et des polaires.
 
Nous montons chacun dans nos chambres, et préparons nos affaires. Deux coups frappés à ma porte, et celle-ci s'ouvre sur Alex, qui la referme immédiatement derrière lui.
 
- On a bien fait de profiter de cette nuit, dit-il en passant les bras autour de ma taille et me coller à lui. Parce que c'est fini l'intimité là, conclut-il avec un air contrarié.
 
Je lui réponds par un petit sourire forcé, et je pose ma tête contre son torse quelques secondes en m'imprégnant de son odeur. Je finis par relever la tête et planter mon regard dans le sien, fatigué mais brillant toujours de cette lueur de désir. Il pose finalement ses lèvres sur les miennes avec une douceur infinie, et quitte la chambre.
 
Une heure plus tard, nous montons en voiture et prenons la route vers la ville de Québec dans un premier temps. Je ne vois rien des 4 heures de trajet, occupée à rattraper mon manque de sommeil.
 
Les 3 jours qui suivent sont riches de découvertes, d'émerveillement et d'émotions. Outre les baleines que nous avons effectivement pu voir, nous avons eu la chance d'observer une aurore boréale, et en avons longuement parlé avec Alex, réfugiés un soir devant la cabane louée par les parents pour nous héberger à Tadoussac. C'est le seul moment à deux que nous avons pu partager durant ce séjour, assis sous le porche de cette petite cabane en bois typique, dans laquelle nous dormons dans des dortoirs.
 
Au terme de ce séjour, nous rejoignons le chalet pour une dernière journée et soirée tous ensemble, et pour toujours en ce qui me concerne. Nous repartirons vers Montréal demain matin, tandis que Vicky et Dan y poursuivrons leurs vacances, avec Katie. Les parents viendront les y rejoindre le week-end suivant, quand nous serons à New-York, pour fermer le chalet.
 
Un dernier barbecue le midi, un après-midi baignade et papotage avec ma meilleure amie au bord de l'eau. Celle-ci est rayonnante depuis notre retour au chalet, et j'ose enfin lui demander pourquoi.
 
- Gary m'a invitée à sortir ce soir... me glisse-t-elle, attendant visiblement mon explosion de joie.
 
Comme elle me connaît parfaitement, c'est exactement ce qui arrive. Je me redresse brusquement, renversant en même temps mon verre de citronnade dessus, et le froid du liquide sur ma peau chauffée par le soleil m'arrache un cri. Nous rions, alors qu'elle m'expose les plans pour la soirée.
 
- Il m'a proposé d'aller boire un verre en ville, puis d'aller au restaurant. SO GENTLEMAN quoi ! J'ai trop hâte !
 
- Cool ! Carpe Diem du coup ? Parce qu'il a été assez clair sur le fait qu'il repartait dans le Nord après le séjour ici.
 
- Ouais, carpe diem. Je fais comme toi, je tente, et advienne que pourra, conclut-elle dans un clin d'œil.
 
Comme s'il saisissait qu'on parlait de lui, Alex se dirige vers nous. Il est sublime, son torse musclé laissé à nu, sa peau bronzée faisant ressortir ses beaux yeux qui me scrutent, et son short de bain tombant bas sur ses hanches...
 
Pfiou j'ai chaud !
 
- Tiens, je t'ai ramené un autre verre, m'annonce-t-il en me tendant de la citronnade.
 
- Euh... Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait de mon frère ? s'exclame Jane, hilare.
 
- Ah bah justement, j'allais te proposer d'aller voir ailleurs s'il n'y était pas, lui assène-t-il avec un grand sourire.
 
Elle lui lance un regard noir, et se renfonce dans son transat immédiatement. Les mains sur la structure métallique, je n'entends pas ce qu'il lui dit, mais elle se lève et plonge dans le lac, pendant qu'Alex s'installe à mes côtés.
 
- Je te dois toujours un tour en barque, et c'est aujourd'hui ou jamais.
 
- Oh oui c'est vrai. Mais si tu n'as pas envie, ce n'est pas grave.
 
Il se redresse, se penche sur moi et embrasse mon corps d'un regard, avant d'ajouter, pour ne pas laisser la place au doute :
 
- Oh j'en ai TRES envie, rassure-toi.
 
Ma bouche devient soudainement sèche et j'avale quelques gorgées de citronnade. Le verre est trempé de condensation, et une goutte d'eau tombe entre mes seins, recouverts par un bikini. Le regard d'Alex et son grognement quand il l'observe faire son chemin sur ma peau ont le pouvoir de faire tordre mon ventre, et d'allumer un feu incandescent au cœur de mon intimité.
 
- D'accord, dis-je en déglutissant, la voix tremblant de la promesse contenue dans ses yeux. Quand veux-tu y aller ?
 
- Je dirais que le plus tôt sera le mieux.
 
Nous nous levons simultanément, et nos corps se frôlent tandis que nous réunissons nos affaires pour nous diriger vers la crique, où se situe la barque. Jane nous interpelle en criant :
 
- Hey, vous allez où ?! Ce soir, la crique est à moi, je vous préviens !
 
Sa réflexion provoque un rire de notre part, et Alex me demande, en glissant sa main dans la mienne, avec qui elle sort ce soir. Lorsque je lui réponds qu'il s'agit de Gary, il rebrousse chemin vers le ponton, s'adresse à voix basse à sa sœur, avant de crier bien fort :
 
- Ahhhh Jane va enfin cruiser Gary ! Il est temps !
 
Celle-ci, feignant d'être furieuse, l'arrose copieusement, et finit par éclater de rire.
 
Alex me rejoint en courant, me prend par la taille et m'emmène sur la crique, où nous ne tardons pas à mettre la barque à l'eau et quitter le giron familial.
 
Les paysages sont magnifiques vus du lac, et nous apercevons de nombreux chalets, où les familles profitent elles aussi du beau temps.
 
Je m'étends lascivement dans la barque, tandis que le bel homme face à moi contracte ses bras pour nous faire avancer. La tête balancée vers l'arrière, les yeux perdus dans le bleu du ciel, je profite des derniers instants de cette semaine qui va, j'en suis déjà persuadée, marquer ma vie.
 
J'en suis là de mes pensées, quand je sens la barque qui touche la terre ferme. Me redressant avec précaution (pas question de me retrouver à l'eau en plein milieu du lac), je découvre que nous avons accosté au pied d'une petite maison beaucoup plus modeste que celle des parents Gaudreau, mais très charmante, nichée dans un écrin de verdure.
 
Alex me prend la main pour sortir de la barque, et entrecroise nos doigts en m'invitant à le suivre.
 
- Je te présente mon chalet, me dit-il avec beaucoup de fierté.
 
- Waouh, ton propre chalet ! m'extasiais-je.
 
- Oui, je l'ai acheté alors qu'il était en ruines, et je le retape au fur et à mesure avec mon père, quand nous avons du temps. Tu veux visiter ?
 
Il me fait la visite guidée de l'habitation, qui est déjà très belle et très cosy, bien que les travaux ne soient pas finis. Tout le nécessaire pour y séjourner au rez-de-chaussée est déjà installé, mais tout l'étage est encore inhabitable. C'est ainsi que je me rends compte de l'ampleur des travaux qu'ils ont déjà accomplis.
 
- Bravo, vraiment ! C'est magnifique, et ça le sera d'autant plus quand vous aurez terminé !
 
Je me retiens d'ajouter quoique ce soit, déçue en mon for intérieur à l'idée que je ne le verrai jamais fini. J'allais lui demander qu'il m'envoie des photos quand le chantier aura touché à sa fin, mais je préfère ne pas aller sur ce terrain avec Alex, ne souhaitant pas courir le risque de gâcher ce moment si agréable.
 
Comme voulant couper court à mes pensées désagréables, Alex m'interpelle avec enthousiasme.
 
- Allez, viens, j'ai une surprise pour toi !
 
Il me prend par la main et me tire vers l'extérieur, vers une petite grange éloignée de l'habitation, et qui semble flotter au-dessus de l'eau.
 
Nous y pénétrons par l'arrière, et ce que j'y découvre me laisse bouche bée.
 
- Tadam !
 
La surprise se lit sur mon visage, puisqu'Alex me sourit avec bienveillance et vient passer ses bras autour de ma taille, rivant ses yeux aux miens.
 
- Est-ce que ça te dit de faire un tour ? m'interroge-t-il presque timide, avec l'enthousiasme d'un gamin.
 
Les yeux rivés sur l'hydravion devant moi, tentant de ne pas céder à la panique, je hoche la tête de haut en bas, en essayant de lui adresser un sourire.
 
- Je sais que tu as peur en avion, mais c'est très différent. Tu me fais confiance ? me demande-t-il en sondant mon regard.
 
Il est très sérieux, plus qu'il ne l'a jamais été. On dirait qu'il essaie de lire la réponse en moi. Et cette question, je le comprends alors, n'a pas seulement vocation à s'appliquer à ce vol en avion, mais a une portée bien plus importante.
 
- Bien sûr, dis-je en saisissant la main qu'il me tend.
 
L'éclat de fierté dans son regard m'indique que j'ai pris la bonne décision. Il m'installe dans le cockpit – est-ce vraiment comme ça qu'on appelle l'habitacle de ce type d'avion ? aucune idée – et le regarde s'installer à son tour. J'ai beaucoup d'appréhension, et sa voix dans le casque me rassure, alors qu'il échange avec je-ne-sais-qui des informations que je ne comprends pas sur le vol.
 
Doucement, l'engin glisse sur l'eau, et rejoint le milieu du lac, où il prend de la vitesse. Les cuisses serrées, les mains accrochées aux poignées de chaque côté, les jointures blanchies, je sens l'avion s'élever dans les airs alors que la vibration rassurante de l'eau sur les coques s'arrête.
 
- Ça va Julia ? me demande-t-il une fois le décollage terminé dans le micro-casque.
 
- Super ! lui réponds-je honnêtement, captivée par la beauté des paysages et la sensation de sécurité que je ressens, bizarrement.
 
Tout est calme autour de nous, et Alex est un parfait guide touristique alors que nous survolons le Saint-Laurent durant près d'une heure. Le soleil commence à se coucher quand l'avion se pose délicatement sur l'eau, et j'admire les talents de pilote d'Alex. Toute appréhension a quitté mon corps après ce vol plus qu'agréable, et je redoute déjà qu'il soit l'heure de rentrer. J'aimerais que le temps s'arrête quand nous ne sommes que tous les deux.
 
De retour dans la grange, Alex m'aide à m'extirper de l'appareil, et je me jette à son cou pour le remercier en l'embrassant avec ferveur. Surpris par cet élan spontané, il sourit contre mes lèvres, et s'en détache.
 
- Je ne te demande pas si ça t'a plu alors ? me demande-t-il, rieur, en me gardant collée contre lui.
 
- J'ai adoré, merci ! Merci beaucoup ! lui réponds-je avec emphase en l'embrassant à nouveau.
 
Il se décolle de moi et s'affaire à fermer la grange et l'hydravion. Je sors de la grange et tend mon visage vers les rayons du soleil, qui percent à travers les arbres.
 
- Tu peux aller t'installer dans l'herbe près de la barque si tu veux, je te rejoins dans quelques minutes, me dit-il en passant la tête par l'embrasure de la porte de la grange.
 
Une dizaine de minutes plus tard, alors que je suis allongée en train de chantonner, profitant du soleil qui décline lentement, Alex me rejoint et s'allonge à côté de moi.
 
- Alors heureuse ? me demande-t-il, taquin comme toujours.
 
Je ris et acquiesce d'un hochement de tête.
 
- Julia... Je...
 
Son ton sérieux me ramène sur terre, alors que j'étais proche du paradis. J'ouvre les yeux et tourne la tête vers lui, sans me redresser. Je ne suis pas sûre d'être prête à entendre la conclusion de cette parenthèse enchantée.
 
- Je... J'ai adoré ces moments passés à tes côtés. Vraiment.

Sous des cieux plus cléments [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant