Chapitre 3

4.9K 377 21
                                    

Le lendemain matin, mon téléphone vibre frénétiquement. La vibration s'est d'abord insinuée dans mon rêve, avant que je ne comprenne qu'il s'agit de la réalité.

Je regarde qui ose interrompre mon sommeil et ma surprise n'a d'égale que ma colère... C'est Max ! Quelle audace ! Je refuse de lui répondre.

Ses appels se répètent durant les jours suivants, et je tiens ma résolution.

Je ne sors pas ce week-end là, par pur esprit de contradiction, mais en prétextant l'échéance prochaine des examens du premier semestre auprès de mes amis. Je m'ennuie chez moi, je me demande si Sully va me chercher. Mais je ne veux en aucun cas croiser Max.

Nos amis communs m'apprennent qu'il se sent mal, je fais semblant de compatir, mais je m'en fiche. Pourquoi devrait-il se sentir mal après tout ?

Nous ne sommes plus ensemble, il est libre de faire ce qu'il veut, c'est une chose. Assister VISUELLEMENT à ses frasques en est une autre chose.

Je profite de connaître sa programmation artistique pour l'éviter systématiquement les jours qui suivent.

Je reprends les sorties le week-end suivant. Pour mon plus grand plaisir, Sully est là chaque semaine désormais, et nous nous parlons à chaque fois.

Cet homme est stupéfiant : il est capable de tenir de nombreuses conversations sans jamais rien me révéler de son identité. Et plus je lui parle, plus mon attirance pour lui grandit. Je ne sais pas ce qu'il fait dans la vie, je ne sais pas ce qu'il a vécu, mais il est d'une grande intelligence, d'une grande culture, et a une excellente mémoire. Chaque semaine, il rebondit sur notre conversation de la semaine précédente, me relance sur les sujets dont il ne savait rien quelques jours auparavant.

Noël passe, le mois de janvier s'écoule et j'ai le sentiment qu'une certaine complicité se développe, bien que je ne sache toujours rien de lui.

Quant à Max, on se croise, on se dit quelques mots poliment, mais les distances sont désormais bien marquées. Plus d'appel, plus de sms, je ne peux pas dire qu'il ne me manque pas, mais notre distance me soulage. Nous sommes dans le dur de la rupture, elle est enfin réelle pour moi, douloureuse – semble-t-il – pour lui.

La Saint-Valentin arrive, et notre boîte de nuit préférée n'échappe pas à cette frénésie de cœurs, de roses rouges et de romantisme. La patronne s'est fait un plaisir de créer un décor on-ne-peut-plus niais, avec pléthore de ballons en forme de cœur, guirlandes, lumières roses (qui, de mon point de vue, font plus maison close que lieu romantique). Cette éternelle romantique a mis les petits plats dans les grands pour marquer le coup.

À une exception toutefois, surprenante : les gogo danseurs de la boîte sont chargés d'une distribution de cadeaux plutôt... coquins en ce jour particulier.
De quoi nous faire rire tous, et occasionner de grands instants de malaise, comme quand je me retrouve avec un godemichet non sollicité dans les mains. L'objet rose fuchsia m'encombre plus qu'autre chose, et c'est sous le regard hilare de Sully que je file au vestiaire déposer l'encombrant présent.

Lorsque je reviens dans la salle principale, l'ambiance a totalement changé. Je me décompose : une session de slows a débuté. Mortifiée, je me dirige vers le bar pour commander un verre.

Grégoire, qui me déteste un peu depuis quelques temps, me signale quelque chose derrière mon épaule d'un signe du menton. Je me retourne et tombe nez à nez avec Max, les yeux brillants d'émotion :

- Tu entends ? C'est notre chanson...

J'entends en effet « Can't believe » chantée par Faith Evans et Carl Thomas, et une foule de souvenirs m'envahit.

Je les balaie bien vite et lui répond :

- Il ne reste plus rien de nous.

Et théâtralement, je me dirige vers les toilettes. Mic drop, comme disent les américains.

Quand j'en sors, tel un nouveau rituel, un bras autour de ma taille me happe, et je me retrouve collée contre Sully. Il plonge son regard dans le mien.

- Qu'est-ce qu'il te voulait, le crétin ?

C'est désormais ainsi qu'il l'appelle, systématiquement.

- Danser avec moi. C'était « notre » chanson, lui dis-je en mimant les guillemets avec mes doigts.

- Et qu'est-ce que tu lui as répondu ?

Avec beaucoup de fierté, je lui assène mon coup de grâce.

- Qu'il ne reste plus rien de nous.

Il reste interdit. Je m'attendais à ce qu'il rie, ou me félicite. Au lieu de ça, je fais face à un mur. Silence et expression indéchiffrables, et d'un coup :

- Putain, tu fais chier, la danseuse !

Et il m'emmène vivement, en me tenant par la main, et traverse toute la pièce jusqu'à nous retrouver derrière la cabine du DJ, alcôve protégée des regards par les fameux ballons en forme de cœur. L'incompréhension devant se lire sur mon visage, il me fixe, et, à ma grande stupéfaction, je l'entends jurer en anglais :

- Oh, screw it !

Alors, il vient écraser ses lèvres contre les miennes, me faisant reculer jusqu'au mur, contre lequel il me colle et tout s'arrête autour de nous.

Son baiser, exigeant et brutal, me coupe le souffle et éveille des émotions fortes en moi. Son effet est immédiat sur la chaleur qui couvait déjà au creux de mon intimité. Petit à petit, sa fureur se change en chaleur, quand son baiser se fait plus approfondi, plus sensuel. Sa langue vient effleurer la mienne, joue avec, tandis que ses mains se glissent sous mes cuisses et me soulèvent. Sa virilité collée à moi, je m'enflamme et une vague de désir plus forte que jamais me fait perdre la tête. Je me cambre contre son membre tendu, resserre mes jambes autour de sa taille et émets un gémissement.

Doucement, il desserre son étreinte sans cesser de m'embrasser, repose mes jambes l'une après l'autre au sol et finalement décolle ses lèvres des miennes.

- Putain, la danseuse, qu'est-ce que tu me fais faire...

Je reste là, muette, interdite, le dévisageant pour déceler une explication. Il s'approche à nouveau de moi, glisse ses mains autour de ma taille, et murmure à mon oreille :

- Tu me rends fou...

Puis il me relâche doucement et regagne la foule.

Je ne le retrouve pas ce soir-là, et reste ainsi avec un flot de questions sans réponse.

*****

La semaine suivante, je me rends en cours chaque jour, et retravaille mes cours à la Bibliothèque Universitaire. Je m'entends bien avec quelques étudiants de ma classe, avec lesquels je discute à la fin des cours, dans la cour de la fac comme nous le faisons souvent.

Il y a beaucoup de monde et nous décidons de nous mettre à l'écart du passage.

N'ayant pas encore fumé de la journée, je sors mon paquet de cigarettes et mon briquet, pour m'adonner à ma mauvaise habitude.

La maladresse dont je suis coutumière s'abat de nouveau sur moi, mon briquet m'échappe des mains et s'éclate par terre. Aux pieds de quelqu'un qui s'arrête de marcher, pour me laisser ramasser les restes de ce qui fut mon briquet.

Je m'exécute, et me relève. Mais alors que je m'apprêtais à remercier rapidement l'inconnu, je reste coite. Cet homme en costard, très élégant, n'est autre que...

- Décidément, tu es maladroite la danseuse !

Un sourire, un clin d'œil et il poursuit son chemin.

Sous des cieux plus cléments [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant