⚜ Chapitre 54 : Au bord du fleuve doré ⚜

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Duché de Ligueux, mois de juillet

Céleste

- Ne me dîtes pas que vous m'en voulez encore, me railla Milady, au galop derrière moi.

Je l'ignorai royalement, continuant de diriger mon cheval, qui filait tout aussi vite que le sien. La vipère eut un grand rire, et je n'en fronçai qu'encore plus les sourcils. Ikaros, au dessus de nous, croassa un instant, comme pour me dire que j'étais ridicule.

- Voyons, Céleste, souriez un peu ! rit-elle. Nous sommes sur des terres magnifiques, avec un temps radieux, et nous nous dirigeons à toute vitesse vers le château de votre génitrice ! Je trouve que c'est une excellente journée !

- Venant de la part de quelqu'un qui détestait la bonne humeur de sœur Marie-Jeanne, je considère que vous êtes bien guillerette ! assenai-je, aussi sèche et froide que le temps était chaud et agréable.

- Cette femme était beaucoup trop heureuse, répondit Milady, en se mettant au même niveau que moi. Vous, depuis ce matin, vous ne m'avez adressé la parole.

- Pour que nous nous disputions encore ? Je n'en vois pas la peine.

Notre cavale continua encore quelques temps, puis nous nous arrêtâmes pour faire paître et boire nos chevaux épuisés. Je descendis de ma monture pour faire quelques pas. Tout en tenant mon étalon par les rênes, je m'assis à l'ombre d'un arbre qui traversait la rivière par les airs. A l'ombre, si près de l'eau, je me laissai aller contre le tronc, fermai les yeux, et poussai un long soupire. Nous avions quitté le couvent aux aurores, et il était vrai que je n'avais adressé mot à ma compagne depuis. Mais j'avais une bonne raison... Elle aurait pu me dire ce qui nous attendait là bas. Elle aurait pu me dire ce qui m'attendait à Ligueux.

- Je m'excuse.

J'ouvris brusquement les yeux, surprise. Milady était sur la plage, à quelques mètres de moi, les pieds nus dans l'eau. Soudain, avec le reflet du fleuve doré sur son visage, ses cheveux noirs détachés qui tombaient en cascade dans son dos, et sa position pour attirer sur elle le plus de rayons de soleil possible, elle me sembla bien plus jeune que jamais. Mais après tout, quel âge avait-elle ? Elle venait sûrement d'atteindre la trentaine. Mais elle était aussi radieuse que si elle avait eu vingt ans.

- Je m'excuse pour ne pas vous avoir dit de quelle famille vous étiez issue, poursuivit Milady. Mais je pensais que vous méritiez d'apprendre cela plus par la bouche d'une parente que de la mienne.

Elle me tournait le dos, elle ne put voir mon sourire narquois.

- Plutôt, vous aviez peur qu'en me donnant trop d'informations, je vous tuerais avant de continuer seule, rétorquai-je.

A ma grande surprise, la vipère se retourna vers moi, et me sourit légèrement.

- Il y a de ça, c'est vrai. De plus, je ne savais pas encore s'il fallait que je vous prenne en otage pour obtenir une rançon.

Je ne manquai pas de glousser. Elle ne changerait jamais ! Mais peut-être était-il temps de changer son surnom. Vipère... Couleuvre lui siérait mieux : elle mordait mais finalement, n'injectait pas de venin. Nous restâmes encore quelques instants ainsi avant que je ne finisse par briser le silence d'un question toute bête, mais dont je voulais depuis longtemps la réponse :

- Qu'elle est votre histoire avec Athos ?

Milady se figea, puis finit par pousser un long soupir. A vrai dire, je ne m'attendais pas à ce qu'elle me réponde. Ce qu'elle fit pourtant, à ma plus grande surprise.

- Quand je l'ai rencontré... Nous sommes tombés amoureux l'un de l'autre, souffla-t-elle.

Même les oiseaux semblaient s'être tus, comme pour écouter eux aussi l'histoire que Milady ne confiait à personne. Je me redressai contre l'arbre, encore plus attentive.

L'Espionne du Cardinal - Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant