⚜ Chapitre 52 : Mère ⚜

243 24 1
                                    

Paris, mois de juillet

Milady

Elle regardait arriver vers elle la jeune femme, sur son cheval gris souris. Derrière elles, la ville de Paris se détachait dans le sublime crépuscule de ce soir de juillet. Un corbeau voltigeait au dessus de la seconde femme, qui essuyait ses larmes. Milady de Winter regarda l'espionne qui se tenait devant elle, Céleste. Elle ressemblait un peu à une reine déchue, droite et hautaine, le regard lointain, fuyant ses terres. Au détail près qu'un royaume se gouvernait avec la tête et non avec le cœur. Sur ce point, Céleste aurait fait une lamentable reine. Trop passionnée, pensa aigrement l'ancienne comtesse de la Fère. Elle vient de comprendre que la vie est cruelle, et qu'à trop vouloir se rapprocher du soleil, on se brûle les ailes... Elle s'en remettra.

- Dépêchez-vous, la tança Milady en faisant faire demi-tour à son propre cheval pour s'éloigner le plus vite possible. Je veux mettre le plus d'espace possible entre nous et les mousquetaires.

Elle sentit sur sa nuque le regard brûlant de haine de Céleste, mais n'en avait que faire. Cette petite pimbêche n'était la seule à avoir perdu beaucoup ce jour d'hui. Elle, Milady, en s'éloignant ainsi au petit trot de Paris, fuyait le cadavre encore chaud d'un amant, la vengeance d'un employeur, et la fureur meurtrière d'un ancien époux. Elle fuyait une vie qui lui avait déjà trop pris.

Oh, bien sûr, elle était certaine d'y retourner. Un jour. Ou peut-être dès la fin de ce qu'elle était en train de faire. Mais pourquoi y revenir ? Il n'y avait plus d'avenir pour elle, à Paris. Richelieu, si elle venait à se remettre à son service, l'étranglerait de ses propres mains pour savoir où et comment avait filé Céleste. Déjà, elle avait failli se faire tuer quand elle était revenue auprès de lui, un an plus tôt. Une sombre histoire... A cause des mousquetaires, qui avaient réussis à la discréditer aux yeux du Cardinal. Richelieu avait hésité, puis avais finalement accepté à nouveau Milady dans ses rangs. Ce que cette dernière regrettait, c'était de ne pas avoir pu complètement se venger. Quoique... Elle venait d'entraîner dans sa chute ses deux plus fidèles espions. C'était peut-être une bonne vengeance.

Quoi qu'il en était, Milady ne devait prendre le risque de revenir. Mais... Elle voulait être sûre de ne rien abandonner qu'elle ne pourrait regretter dans cette ville.

Entre temps, perdue dans ses pensées, elle n'avait vu le cheval de Céleste rejoindre le sien et trotter à ses côtés. Milady lui adressa un regard en coin. La jeune espionne avait cessé de pleurer, mais ses yeux étaient injectés de sang. Elle tremblait légèrement, mais pas trop. Milady trouva remarquable sa façon de se ressaisir après avoir tout perdu. Elle, elle avait dû se terrer pendant de longs mois avant de se décider à se venger de ce que son mari, Athos de la Fère, lui avait fait subir.

Alors peut-être que Céleste était plus forte qu'elle ? Non, Milady en doutait. La jeune femme était juste des plus orgueilleuses, elle avait toujours détesté montrer ses faiblesses, et surtout à elle en particulier. Les cheveux noirs détachés de la plus jeune des deux femmes voletaient derrière elle, ses yeux de saphirs regardaient au loin, comme pour se forcer de ne pas se retourner. Quand elle prit la parole, sa voix était dure et tranchante. Elle m'en veut, devina aisément Milady. Pour changer...

- Où allons-nous ? demanda abruptement Céleste.

Milady se reconcentra sur le chemin devant elles.

- Vous le verrez bien, répondit-elle simplement.

- Combien de temps cela prendra ?

- Vous verrez cela aussi.

Soudain, Céleste tira vivement sur ses rênes, faisant arrêter son cheval. Milady, agacée, fit ralentir le sien, et le tourna vers sa cadette.

- Il va falloir apprendre à me faire confiance, fit-elle remarquer.

L'Espionne du Cardinal - Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant