Paris, mois de mai
Céleste
Porthos me prit par la taille, et nous fit changer de direction. Nous entrâmes dans une petite allée, où nous nous arrêtâmes. Porthos souffla, épuisé. Je n'étais pas dans un meilleur état que lui, aussi je me laissai tomber à terre. S'appuyant comme moi sur un mur, le mousquetaire s'assit lui aussi.
- S'ils ne sont pas fous, puf, puf, ils n'entreront pas ici... haleta-t-il. Nous sommes, puf, à la Cour des Miracles, et ceux qui ne la connaissent pas par cœur ne s'y risquent jamais...
La Cour des Miracles. Quelques rues à peine dans la capitale, mais le foyer de tous les indésirables de la ville : voleurs, escrocs, meurtriers y trouvaient là leur foyer. Et Porthos avait raison : l'endroit était très dangereux pour les étrangers.
- Et, puf, soufflai-je entre deux halètements, et toi tu la connais par cœur ?
- J'y ai grandis, m'avoua le mousquetaire avec un clin d'œil complice.
- Ah bon ? m'étonnai-je.
Porthos répondit en hochant la tête. Je le regardai soudain avec un œil neuf. Le grand mousquetaire ne devait pas être bien plus âgé que moi. Nous étions-nous déjà croisés dans les rues de la Cour ? C'était, ma foi, fort probable. Quel grade avait-il été ? Car, à la Cour, il y avait différents grades pour rapporter le plus d'argent et de vivre. Si Porthos y avait grandit, il avait été probablement été un « orphelin », comme Alec et moi, des jeunes enfants chargés de mendier dans les rues. Mais Alec et moi étions rapidement passés au titre de « millards », ceux qui volaient pour nourrir la Cour et ses habitants, avant d'être accueillis par le Cardinal. Trop jeunes, nous n'avions pu passer l'épreuve pour être nommés « coupe-bourse », mais peut-être que Porthos l'avait fait. Malheureusement, ces questions, je ne les poserais jamais : je devais restée dans mon rôle de jeune noble voyant Paris pour la première fois.
Nous reprîmes tranquillement nos forces, tout de même sur nos gardes, puis le mousquetaire se leva et me tendit une main.
- Rentrons, fit-il.
Je m'aidai de sa main pour me relever, et nous nous remîmes en marche. Par mesure de sécurité, Porthos décida de traverser la Cour, et j'armai discrètement mon arbalète. Je savais que les personnes armées ne faisant pas parti de la garde du chef-coësre, le titre du chef de la Cour, actuellement une femme du nom de Fléa, avaient interdiction de déambuler dans les rues sans autorisation, mais je préférais être prudente.
- Comment as-tu intégré le corps des mousquetaires ? demandai-je à mon compagnon pour briser le silence ambiant.
Il m'offrit un demi-sourire sans cesser d'avancer.
- Je voulais une autre vie, loin de la Cour. Donc j'ai d'abord intégrer un autre corps d'armée. C'est Tréville qui m'a remarqué, et qui m'a autorisé et encouragé à rejoindre les mousquetaires. Étant cadet, j'ai rencontré Aramis, puis Athos et d'Artagnan alors que nous étions mousquetaires... Et nous sommes devenus ce que nous sommes.
- Des mousquetaires du Roi, renchéris-je.
- J'ai ainsi l'impression de servir à quelque chose dans la société, répondit mon ami en haussant les épaules.
Nous continuâmes d'avancer en silence. Pendant un instant, je regrettai que Porthos ne me connaisse pas sous ma véritable identité. J'aurai aimé parler à cœur ouvert avec lui de la Cour. Soudain, je perçus des ombres se mouvoir devant et derrière nous, et le mousquetaire et moi nous figeâmes.
- Quoi qu'il arrive, me murmura rapidement mon ami, ne dit rien tant que je ne te l'indiquerai pas, ne tire pas tes armes sauf en danger de mort, et surtout, surtout...
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L'Espionne du Cardinal - Livre I
Fanfiction« Faîtes attention. C'est quand on commence à vouloir des choses, ou à les refuser, qu'on se met en danger, ici. » Paris, XVIIème siècle Céleste n'est pas une jeune femme comme les autres. Et pour cause... Du haut de ses vingt-cinq ans, elle est la...