Paris, mois de février, une dizaine d'années plus tôt
Céleste
- Dépêche toi, Alec ! M'exclamai-je en rentrant comme une furie dans sa chambre.
Mon frère sursauta, et en lâcha la fine rapière qu'il attachait à sa taille. Elle tomba au sol avec fracas et je levai les yeux au ciel, moqueuse.
- Et ça se dit le plus vif des deux...
- Tu m'as attaqué en traître, protesta Alec en récupérant son arme.
- Je ne t'ai même pas attaqué !
- Espèce de furie.
- Merci. Dépêche toi !
Mon frère se tourna vers le miroir de sa grande chambre et réajusta son pourpoint.
- Suis-je bien ? S'enquit-il.
Je m'approchai de lui et récupérais un masque posé sur le meuble.
- Rassure-moi, le taquinai-je en le lui tendant, tu n'allais pas l'oublier ?
- Oublier son masque un jour de Carême-Prenant ? S'indigna Alec. Quelle idée !
Il me détailla un peu dans le miroir.
- Tu es fort bien mise, me complimenta-t-il.
- Mais toi aussi, mon frère.
Et l'un comme l'autre avait raison. Pour cette fête j'avais revêtu une importante robe pleine de dorures et de froufrous ; le tissu était d'une multitude de couleur, allant du rouge au violet en passant par le bleu. Cette robe, que j'avais acheté quelques semaines auparavant, était bien trop voyante et imposante pour la porter tous les jours ; donc la fête de Carême-Prenant, plus rarement appelé Carnaval, était une occasion parfaite. Et pour compléter le tout, j'avais ajouté un loup de satin et de plumes dans les même ton de couleur : rouge, violet et doré.
- Je n'arrive pas à croire que tu acheté tout cela à Venise, râla mon frère. Tu sais que les missions ne sont pas faîtes pour faire des achats ?
Je lui adressais un regard boudeur.
- Je profite des occasions ; je ne sais pas quand nous y retournerions.
- Je t'y emmènerais, un jour, fit vaguement mon frère en chassant une poussière invisible de sa veste.
J'avais acheté pour lui une tenue semblable à la mienne : dorée, rouge et violette, de manière à ce que nous soyons complémentaires dans les fêtes qui seront en liesses.
- Allons-y ! m'exclamai-je en tirant mon frère dehors.
J'entendais déjà le joyeux tintement des grelots et les rires de la foule. En ce jour de janvier, toutes les règles seront abolies : nous pourrons tous être quelqu'un de différent. Cachés derrière nos masques, Alec et moi serrons des nobles de la cour. Un carrosse que nous avions loué avec l'agent de nos gages ne tarderait pas à arriver dans la cour, et nous parviendrons sans peine à nous glisser dans les bals du Louvre. Après tout, nous avions un sauf conduis signé du Cardinal ; nous devions également profiter de cette soirée pour ouvrir l'oreille. La fête se continuera donc plus tard dans la nuit, dans des tenues moins voyantes : nous voulions aussi nous amuser anonymement au milieu du peuple, qui sera pour l'occasion bien joyeux, bien coloré, bien satisfait. Chose rare, pour les parisiens.
Quand nous sortîmes du couloir, Ikaros se posa sur mon épaule. C'était un corbeau que j'avais recueillis deux ans plus tôt, quand j'avais quatorze ans. Fidèle et très utile, je lui vouait une affection toute particulière. Il croassa doucement en désignant le bout d'un couloir d'une mouvement de bec. En effet se tenait là notre ami, Levesque, qui du haut de ses vingt-et-un ans, était déjà un des plus prometteurs jeunes Gardes Rouges.
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L'Espionne du Cardinal - Livre I
Fanfiction« Faîtes attention. C'est quand on commence à vouloir des choses, ou à les refuser, qu'on se met en danger, ici. » Paris, XVIIème siècle Céleste n'est pas une jeune femme comme les autres. Et pour cause... Du haut de ses vingt-cinq ans, elle est la...