Paris, mois de juillet
Richelieu
Le Cardinal Armand-Jean du Plessis de Richelieu s'assit avec délicatesse sur son siège de velours rouge. Ses yeux sombres parcoururent lentement la pièce dans laquelle il était. C'était une salle de spectacle basique, comme il y en avait plusieurs au palais du Louvre. Richelieu était assis aux premiers rangs. Derrière lui se tenaient les capitaines de Tréville et Levesque, qui se foudroyaient mutuellement du regard. Bien. Tant qu'ils étaient occupés à se détester l'un l'autre, ils ne deviendraient pas une menace pour Richelieu. A la gauche de ce dernier, Louis, ce roi faible et pathétique, attendait que le spectacle commence avec impatience. Mais, à la gauche de Louis... Le siège réservé à la reine était vide.
Le Cardinal eut un sourire diabolique. Son plan était parfait ; cette chienne de traîtresse allait payer. Richelieu glissa une main à sa bourse, où il sentit deux petits cailloux. Deux diamants. Preuves de la félonie de la reine Anne d'Autriche, qui ne sera d'ailleurs bientôt plus souveraine. Il attendait avec impatience ce moment où la chienne espagnole arriverait, sans collier, ou avec une parure incomplète.
Car c'était lui, le Cardinal de Richelieu, qui avait habilement manigancé tout cela. Quand sa chère Céleste lui avait rapporté l'horreur qu'elle avait vu, l'esprit retords et tordus du Cardinal avait immédiatement mis un plan au point. Il avait semé le doute dans l'esprit du roi quant à la fidélité de la reine, et quand Louis s'était tourné vers lui après avoir longuement boudé, Richelieu lui avait soufflé cette solution : il devrait organiser une soirée, où il exigerait que sa reine porte la parure qu'il lui avait offert lors de leur mariage, preuve du fait qu'elle tenait à leur couple.
Anne ne s'était doutée de rien. Du moins, pas quand elle avait accepté la requête de son époux. Reine si naïve, mais pourtant si dangereuse pour les plans du Cardinal, surtout avec ces fichus mousquetaires qui la protégeaient sans arrêt. Mais à présent... Elle devait trembler de terreur. Seule, car son amant était enfermé, à ne savoir que faire pour se sortir de ce mauvais pas. Tu t'affoles et retardes l'échéance pour rien, pensa Richelieu avec délectation. Dans très peu de temps, toute la cour verra quelle traîtresse tu es...
Le Cardinal fronça les sourcils et secoua la tête. Pourquoi cette femme l'obnubilait ? Depuis qu'il avait posé les yeux sur elle, il avait remarqué quelle menace elle pourrait devenir pour son influence sur le roi. Et il avait raison ! Petit à petit, cette sorcière s'insinuait dans les pensées de Louis, commençant à le faire réfléchir par lui-même. Et c'était très mauvais pour Richelieu. Dès qu'il l'avait vu, ce jour là, sur l'île des Faisans, il avait su qu'elle n'était pas comme les autres. Quand Anne d'Autriche et Élisabeth de France avaient étés échangées pour le double mariage étant censé apporter la paix, Richelieu avait vu l'ambition dans les yeux de la jeune fille de quatorze ans. Et, depuis, elle n'avait fait que lui mettre des battons entre les roues. Mais il pensait pouvoir toujours la vaincre, toujours triompher d'elle.
Il avait même tenter de la faire assassiner, le jour où le roi était tombé sous le charme d'une belle allemande au sang fertile, tandis que le ventre de la reine restait désespérant vide. La tentative avait échouée, mais pis encore ; les mousquetaires avaient réussis à le rouler, ils avaient obtenu de lui des aveux complets par un stratagème vil et digne du Malin. La reine avait tout entendu. Elle s'était alors imposée à lui avec une prestance et une majesté que Richelieu ne lui connaissait pas. Il avait presque cru voir en elle feu l'ancienne reine, Marie de Médicis, dans toutes sa terrible splendeur vengeresse. Et il avait alors eu atrocement, viscéralement, peur d'elle.
- Sa Majesté la reine de France Anne d'Autriche et ses suivantes, la Vicomtesse Charlotte de Duez, la Baronne Louise de Clairevue, et Madame Constance Bonacieux ! clama soudainement la voix du crieur royal, le tirant de ses pensées.
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L'Espionne du Cardinal - Livre I
Fanfic« Faîtes attention. C'est quand on commence à vouloir des choses, ou à les refuser, qu'on se met en danger, ici. » Paris, XVIIème siècle Céleste n'est pas une jeune femme comme les autres. Et pour cause... Du haut de ses vingt-cinq ans, elle est la...