Acte IV, 10e Épître - Troubles au Palais

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C'était un silence inhabituel qui planait dans la salle du Trône. Pas empreint de solennité, comme il était d'usage en ce lieu, mais plutôt chargé d'affliction et d'amertume. Seul sur sa chaire, le Très Haut ressassait les derniers événements, et comment Il avait, par excès de confiance, laissé déraper Ses anges, causant ainsi la mort d'une enfant innocente, victime des errements d'un Dominion trop zélé et dévoré par l'ambition. Comment avait-Il pu tolérer qu'une telle chose se produise ? Mais en vérité, de qui se moquait-Il ? Il savait pertinemment qui était à blâmer dans cette affaire, et il se trouvait justement que le responsable se dissimulait dans un recoin sombre de Son sanctuaire.

« - Croyiez-vous que J'ignore votre présence ? Sortez donc de votre cachette, et dîtes ce que vous avez à dire.

- Eh bien, quelle humeur maussade ! ironisa l'Homme tapi dans l'Ombre en émergeant des ténèbres. Vous devriez pourtant Vous réjouir, mon ami. Après tout, Nos doutes n'ont-ils pas enfin été balayés ?

- Le timbre de Ma voix n'est point à votre goût ? Peut-être est-ce là la conséquence de vos dernières actions inconsidérées.

- Mes actions ?

- Ne jouez pas l'innocent. Vous pensiez peut-être pouvoir tromper Mon œil averti, mais Je ne suis pas dupe. Trois ombres étaient amplement suffisantes pour diffuser le faisceau d'énergie de Leliël, et pourtant, il a tout de même touché de plein fouet cette pauvre enfant... Cela porte indéniablement votre marque.

- Je ne Vous ferai pas l'insulte de le nier. Oui, j'ai apporté un discret concours au bon déroulement des opérations. Et effectivement, une mortelle insignifiante en a fait les frais. Mais pourquoi une telle ire ? L'objectif n'a-t-il pas été atteint ? Nous avons toutes les preuves dont Nous avions besoin, à présent. Il ne reste plus qu'à sonner la charge !

- Insignifiante ?! Comment osez-vous ? Cette Moissonneuse méritait autant de vivre que n'importe qui ! Mais pour servir vos desseins, vous n'avez pas hésité un seul instant à la sacrifier. Et pour quelle finalité ? Vous dîtes que Notre objectif est atteint, mais Je pense au contraire que les événements n'ont fait qu'entériner l'évidence que ce mortel ne soit pas celui que Nous recherchons.

- Vous déraisonnez, mon cher. Si ce n'était pour son pugilat avec Votre sous-officier, avouez au moins que l'intervention de Lucifer ne laisse plus planer le moindre doute !

- Vous croyez ? J'y vois plutôt là l'expression de sa curiosité naturelle pour tout ce qui sort de l'ordinaire. A l'époque où il formait les nouvelles recrues, il était même réputé pour déceler les perles rares au sein d'un groupe hétéroclite. C'est d'ailleurs à lui que Nous devons l'émergence de soldats de premier ordre, tels Mes quatre Séraphins.

- N'êtes-Vous point las de ces œillères qui obscurcissent Votre jugement ? Ces relents paternalistes Nous ont déjà coûté cher, l'auriez-Vous oublié ?

- Je n'oublie rien. Et croyez bien qu'il n'y a pas un jour qui s'écoule sans que Mes échecs ne Me hantent. Mais ce qui Nous différencie, vous et Moi, c'est que malgré ce qui est en jeu, Je ne suis pas enclin à composer avec Mes principes, ni à disposer de la vie de mes Enfants comme on sacrifierait un pion dans une partie d'échec.

- Ah ! Vos chers « enfants », se gaussa le sombre visiteur. Je n'ai jamais compris ce besoin de créer un lien affectif factice avec Vos rats de laboratoire. Pour ce que ça leur a apporté... Cela n'a pas empêché Satan et ses minions de se révolter contre vous...

- Êtes-vous bien sûr de vouloir amener cet échange sur ce terrain ? le prévint Dieu, qui s'était brusquement raidi à l'évocation de ces événements.

DIES IRAE - Cycle I : L'AngicideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant