Acte V, 9e Épître - La révolte de Lucifiël

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Le temps leur était compté. Cette pensée obsédante avait incité Lucifiël à intensifier les préparatifs de leur offensive contre l'usurpateur, qu'il souhaitait désormais lancer dans les heures à venir. L'adhésion inattendue de Michaël avait largement compensé la défection de Jophiël, mais il redoutait une potentielle interférence de sa part. Il leur avait certes assuré qu'il garderait le silence sur leur projet, mais il doutait qu'il tienne parole. Son attachement et sa piété filiale l'aveuglait indubitablement, et il ne pourrait pas s'empêcher d'en parler à une personne de confiance. Son instinct lui disait qu'il se tournerait vers Métatron, ce qui leur laissait une certaine marge de manœuvre.

En effet, une discussion en toute discrétion impliquerait qu'ils se rencontrent face à face, et non pas par l'intermédiaire de ces avatars robotiques qu'il utilisait habituellement, et son antre se trouvait suffisamment profondément dans les entrailles du Palais pour que le vieil Ange Savant mette un long moment avant de s'y rendre. Il fallait donc impérativement qu'ils agissent préalablement à cette rencontre, même si Manakël et Zerachiël étaient sceptiques quant aux soupçons du Minotaure.

Pourtant, pour aussi hypothétiques qu'aient pu sembler ses craintes, il ne voulait prendre aucun risque, et Haniël le soutenait totalement dans sa démarche. Même Sevël, qui avait paru réticente de prime abord, était à présent pleinement investie. Par contre, Tzadkiël était complètement bouleversé, la perspective de s'opposer à leur Père le plongeant dans un état de stress prononcé. Le chef des armées divines avait donc décidé de l'écarter du groupe de frappe, redoutant que sa nervosité ne les trahisse, et il le chargea à la place, en compagnie de Michaël, de tenir à l'écart du Palais les Troisième, Quatrième et Cinquième Générations, afin que leurs frères et sœurs ne se retrouvent pas impliqués en cas d'affrontement.

Le jeune ange n'avait pas caché sa déception d'être ainsi éloigné de l'assaut contre le responsable de la déchéance de sa bien-aimée, mais il convenait que la protection des plus jeunes était une tâche noble, que sa proximité avec ces derniers faciliterait grandement. Il fit donc contre mauvaise fortune bon cœur, et quitta l'ancien avant-poste en compagnie de l'Ange de la Bienveillance.

Toutefois, Lucifiël avait une autre raison pour évincer son futur successeur. Il ne l'avouerait jamais, mais il avait des doutes sur l'implication si soudaine de ce dernier dans leur cause, et le tenir à l'écart des premières lignes lui semblait le meilleur moyen de se prémunir d'une possible trahison. Avec les deux maillons faibles de son équipe sortis de l'équation, il était grand temps de partir pour le Palais, mais alors qu'ils s'apprêtaient à prendre leur envol, ils tombèrent nez à nez avec les deux subalternes d'Haniël, visiblement à la recherche de quelqu'un.

« - Quel soulagement ! Nous avions craint d'être arrivés trop tard, mais fort heureusement, vous êtes encore là, Monseigneur.

- Vous arrivez à point nommé, tous les deux ! Nous allions justement...

- Que signifie, Haniël ?! se renfrogna le Minotaure. Tu as éventé notre entretien ? Est-ce que le concept de « discrétion » échappe à ta compréhension ?

- Inutile d'être aussi mélodramatique, mon frère. Araël et Poiël ne sont pas n'importe qui. Tu n'ignores pas ce que nous avons traversé, tous les trois, sur Tartarus. Ce massacre auquel nous avons échappé a créé un lien indéfectible entre nous, ainsi qu'une même volonté de vengeance. Vengeance dont nous avons été privés quand Père, ou qui que soit cet individu, a accordé grâce à Satiël et à ses félons. Et tu imaginais vraiment que je leur dissimulerai les révélations qui nous ont été faites en ce lieu ?

- Peu m'importe tes explications. Les enjeux sont trop importants pour laisser une quelconque place au hasard...

- Il n'y a pas de hasard, Lucifiël. Parmi tous les anges qui peuplent nos contrées, ils sont les seuls à qui je confierai ma vie. Et si en ce jour nous devons affronter l'éminence grise à l'origine de tous nos malheurs, une créature dont la puissance serait équivalente à celle de notre Père en personne, je ne me vois pas le faire sans eux à mes côtés. Mais je te concède que c'est ton plan, mon frère. Donc à toi de voir : les acceptes-tu parmi nous, comme tu l'as fait avec Michaël tantôt, ou bien préfères-tu te passer de mon appui ? »

DIES IRAE - Cycle I : L'AngicideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant