Acte III, 4e Épître - Les Liens du Sang

45 3 3
                                    

Samedi 12 septembre. Les premiers signes de l'automne commençaient à se faire sentir, les feuilles brunissaient à vue d'œil, et la courbe des températures débutait son inflexion des chaleurs caniculaires de la période estivale vers la douceur fraîche de l'été indien. Mais bien que le temps ait été au beau fixe, le soleil dardant à travers les rideaux de son bureau, Ben passait sa matinée à trier des papiers. De nombreuses affaires étaient restées en suspens depuis son accident, malgré l'aide que lui avait apportée sa belle-sœur pendant sa convalescence, et il n'avait que trop repoussé les échéances.

Entre les factures, les impôts et les organismes auprès desquels il devait signifier le décès de son épouse, il en avait pour un moment. Il fallait également qu'il réponde à tous les messages de condoléances qui étaient arrivés pendant le mois écoulé, en provenance d'amis, de contacts professionnels ou bien de la famille proche et éloignée. Cela lui rappelait qu'il n'avait pas repris contact avec les parents de Mary-Ann depuis la mort de leur fille. Chris lui avait dit qu'ils avaient échangé des banalités aux funérailles, mais qu'ils n'avaient même pas pris la peine de venir le voir à l'hôpital.

Rien de surprenant, pensait-il, puisqu'ils avaient toujours désapprouvé leur relation. Ils savaient dans quels circonstances ils s'étaient rencontrés, et le fait qu'il se soit rangé et ait réussi une brillante carrière n'avait rien changé à l'image de bagarreur colérique qu'ils s'étaient faits de lui. Mais peu lui importait à présent que Mary-Ann n'était plus de ce monde. Il n'aurait plus besoin de faire semblant de ne pas relever les remarques désobligeantes et les sous-entendus appuyés...

Ruminant ces idées noires, il fut tiré de ses pensées par le tintement de son téléphone, un message venant de lui parvenir de la part de Charles Dewitts. Cela faisait presqu'une semaine que l'aveugle lui avait proposé de rejoindre son organisation, le PRI, mais Ben avait multiplié depuis les faux-fuyants pour repousser sa réponse. En vérité, il n'avait jamais eu confiance en ce genre de corporation, qu'il assimilait volontiers à des sectes, et pour aussi sympathique qu'ait pu paraître Dewitts lors de leur rencontre, il n'arrivait pas à enlever ce doute de son esprit.

C'était pourquoi il avait demandé à son frère de réunir quelques informations sur l'Institut afin d'en avoir le cœur net. Son portable carillonna à nouveau, indiquant cette fois-ci un message de Chris, qui lui demandait de venir lui ouvrir la porte car il se trouvait devant chez lui. Maners tira un coin du rideau pour regarder à l'extérieur, et il aperçut la voiture de son cadet garée sur le trottoir d'en face. Il descendit les escaliers et sortit sur le porche, tombant nez à nez avec son frère, tenant dans les mains un carton rempli à ras-bord de classeurs et de dossiers divers.

« - Chris ? Mais qu'est-ce que c'est que tout ça ?

- Ne reste pas planté là, les bras ballants, et aide-moi ! Ce truc pèse un âne mort !

- Ben alors, monsieur l'ex-Navy Seal ? On se laisse aller ? railla Ben en agrippant l'une des extrémités du carton. C'est bon, je l'ai. Vas-y doucement, surtout.

- Là ! Pose-le sur la table ! Je vais lâcher !

- Pfiou ! souffla Maners en essuyant son front avec le revers de sa chemise, après avoir lâché la boîte. Qu'est-ce que tu as bien pu mettre là-dedans, pour que ça pèse si lourd ?

- Ça, mon vieux, ce sont les éléments que j'ai pu rassembler sur ta mystérieuse organisation, entre deux réunions !

- Tant que ça ? Ils mouillent dans des activités terroristes ou quoi ?

- Oh, quand même pas ! Mais même s'ils ne font rien d'aussi spectaculaire que les indépendantistes kurdes ou les Fidèles d'Allah, ça fait un moment qu'ils sont dans le collimateur de la CIA. L'oncle Sam n'apprécie pas vraiment de voir un organisme privé s'immiscer dans des négociations à l'échelle internationale. Et le PRI semble avoir ses entrées aussi bien au sein de grandes entreprises côtées en bourse que dans les hautes sphères de certains gouvernements...

DIES IRAE - Cycle I : L'AngicideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant