Acte II, 10e Épître - Alliance de circonstance

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Raphaël ne s'était jamais autant senti humilié de toute sa longue existence. Non seulement son plan avait échoué à cause de l'intervention de Satan, mais en plus, il s'était discrédité auprès du Très Haut, qui avait décidé de mettre à pied Zeruël pour son initiative malheureuse et d'interdire au Séraphin l'accès à Eden le temps qu'une décision soit prise concernant Ben Maners et la suite à donner aux derniers événements. Pour formuler les choses autrement, il était donc privé de sortie et consigné dans sa chambre, comme un vulgaire galopin. Zahikël, qui l'accompagnait jusqu'à ses appartements, essayait de lui redonner le moral, en vain.

« - Essayez de voir le bon côté des choses, Seigneur Raphaël. Ma participation à cette entreprise n'a pas été éventée, et je peux donc toujours surveiller les actions de ce mortel. Je suis sûre qu'il finira par faire une erreur, et alors vous retrouverez toute votre légitimité pour mener la charge à son encontre !

- Pff... Comme si c'était si simple ! Après ce fiasco, Michaël fera tout ce qui est en son pouvoir pour me barrer la route. Par ailleurs, on ne peut pas dire que ta vigilance ait été des plus optimales !

- C'est injuste, Seigneur Raphaël ! Avec une simple surveillance visuelle, il était impossible de deviner la nature exacte du livre...

- Il suffit ! Je n'ai que faire de tes excuses, Archange ! Si tu espères continuer à me servir, il faudra faire mieux que cela ! Maintenant, hors de ma vue !

- A... A vos ordres ! salua Zahikël en bredouillant, les larmes aux yeux, avant de repartir en direction de la salle de contrôle.

- Bon sang... Cerné par les incapables... marmonna l'ange de jais en refermant la porte de ses appartements.

- L'étendue de ta muflerie n'a donc pas de limites ! grogna Satan derrière lui, avant de se jeter sur le Séraphin, plaquant une dague contre sa gorge. Un cancrelat, hein ? Tu as osé me traiter, MOI, de cancrelat ?! Rappelle-moi qui rampait comme un ver, dans ces catacombes moites et puantes, en léchant ses plaies comme un chien des rues ? Tu faisais moins le fier à cet instant !

- Tu veux m'occire, démon ? Éprouvons donc ta détermination ! le défia Raphaël en écartant les bras, en signe de provocation. Mais ne gâche surtout pas cette opportunité, Satan, car si je survis, la tienne ne sera que de courte durée !

- Ah... Deary, deary, deary... Si je voulais ta mort, je t'aurais poignardé à l'instant même où tu ouvrais cette porte ! Je voulais seulement que les choses soient bien claires entre nous : insulte-moi encore une fois, et je ne me contenterai plus de menaces. Me suis-je bien fait comprendre ?

- Aussi limpide que le cristal !

- Bon, se réjouit Satan en rangeant sa dague. Maintenant, parlons affaires, veux-tu bien ?

- De quoi pourrions-nous bien discuter ? Tu as ruiné toute mon opération !

- Erreur ! Tu as fait ça tout seul, mon grand ! Je t'avais pourtant prévenu ! Je t'avais dit que je préparais quelque chose de spectaculaire, mais bien sûr, tu ne pouvais pas attendre patiemment ! Non ! La patience, c'est pour la piétaille, pas pour le grand Raphaël ! Il a donc fallu que tu agisses dans mon dos ! Heureusement que j'ai été prompt à agir. Ça a permis de limiter les dégâts !

- Parle pour toi ! Tu as peut-être eu ce que tu voulais, mais pour ma part, je n'ai pas le sentiment d'en avoir retiré quelque chose !

- Seconde erreur, mon cher ! Certes, toi et ton aide de camp êtes temporairement sur la touche, mais justement, ça n'est que temporaire ! Car crois-tu vraiment que la situation va rester inchangée ? Que Ben Maners va attendre bien sagement le prochain ange qui viendra l'attaquer pour tester ses nouveaux pouvoirs ? Ou bien qu'aucun de tes subalternes ne réagira à ton évincement ? Crois-moi, je ne donne pas une semaine à tout ce beau monde avant que tout parte à vau-l'eau ! Et quand ça arrivera, tu auras beau jeu de dire que tu les avais prévenus. Quel retour glorieux ça sera pour toi !

- Tu crois vraiment que je porte un quelconque intérêt à ce mortel pitoyable ? C'est son protecteur, que je veux !

- Oh, tu veux parler de cet artefact sur les bandes de votre combat ? Par les démons, tu es si désespéré que cela, pour t'accrocher à un défaut d'image de la sorte ? Est-ce si inconcevable que ce mortel ait pu te blesser ?

- Tu insinues que j'ai rêvé ? Que cette distorsion n'était pas du fait d'un tiers ? Absurde ! Je sais de quoi il retourne ! Je sais que c'était lui ! J'ignore encore comment, mais je le prouverai, quoi qu'il en coûte !

- Mais bien sûr ! Si ça peut te rassurer... Bon, ce n'est pas tout ça, Deary, mais malgré les apparences, j'ai du travail, moi ! Et puis, un invité indésirable est sur le point d'arriver, et je n'ai pas spécialement envie d'être vu en ta compagnie... A moins que ce soit l'inverse ?

- Fais donc cela, oui. Et ne reviens plus jamais dans mes quartiers sans y être invité !

- Oh vraiment ? Ça veut dire que je pourrais revenir ?! Oh, si tu savais comme tu me fais plaisir, mon petit Raphou ! exulta Satan en se jetant à son cou, promptement repoussé par le Séraphin. Tu sais, tu te donnes des airs bougons, mais au fond de toi, tu es un grand sentimental. Ça se voit dans tes relations avec les autres, du genre « je t'aime, moi non plus ».

- Tu n'étais pas censé partir ? s'agaça Raphaël.

- Oui ! Voilà ! C'est exactement ça ! Tu m'invites à revenir d'un côté, puis tu me repousses de l'autre ! C'est du Raphaël typique, ça !

- Mais je ne t'ai jamais invité à...

- Que signifie cette félonie ?! s'insurgea Michaël, qui avait ouvert la porte en entendant les vifs échanges à l'intérieur.

- Oups ! Démasqués ! Bon, je file ! Ravi de t'avoir revu, mon petit Mickounet ! A bientôt, Raphou ! lança Satan avant de disparaître.

- Explique-toi, Raphaël !

- Si tu veux tout savoir, ce scélérat a tenté de m'assassiner ! Une basse vengeance, suite à l'affront reçu sur Eden, prétendument.

- Ne me prends point pour un benêt, Raphaël. J'en ai entendu suffisamment devant cette porte pour savoir que vous avez frayé tous les deux !

- Encore et toujours des accusations, Michaël ! Tu ne te lasses donc jamais, n'est-ce pas ?

- Là n'est pas la question, Raphaël. Ce qui importe, c'est que ce démon va et vient comme bon lui semble dans le Palais, abordant à sa guise les uns ou les autres tout en contournant nos sécurités, et cela ne puit plus durer !

- Qu'ouïs-je ? Sous-entendrais-tu que tu as toi aussi échangé avec Satan en ces murs, tantôt ?

- C'est la vérité. Après notre altercation, juste avant ton départ pour Eden afin de confronter Ben Maners, il a croisé ma route dans les coursives du Palais, et il a disparu ensuite aussi subitement qu'il était apparu. Or, tu n'ignores pas que les téléportations sont impossibles au sein du Palais...

- Si fait. D'ailleurs, à l'instant même, il a... réfléchit le Séraphin noir.

- Raphaël. Nous ne sommes en accord sur presque rien, mais tu conviendras tout comme moi qu'avoir ce nuisible battant le pavé sans aucun contrôle ne peut qu'être néfaste.

- Pour une fois, je ne peux qu'acquiescer...

- Bien. En ce cas, tu vas me dire où et quand précisément tu es entré en contact avec Satan. Il est temps que nous mettions fin à ce petit jeu...! »

DIES IRAE - Cycle I : L'AngicideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant