Acte III, 16e Épître - Le calme avant la tempête

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Abasourdi par le récit de Kim, Ben restait silencieux. Il repensait aux nombreuses fois où son amie avait éludé ses questions sur sa précédente vie, et à la lumière de ces révélations, il comprenait mieux pourquoi. Il avait toujours pensé que quelque chose lui était arrivé de son vivant, une chose suffisamment grave pour qu'elle ne veuille pas en parler, et il respectait ça. Il comprenait mieux que quiconque ce que c'était que d'avoir un lourd passé, et lui-même ne s'était ouvert sur le sujet qu'en de très rares occasions. Mais il était loin d'imaginer à quel point la jeune femme avait sombré dans de tels méandres pernicieux.

« - Tu es bien silencieux. Ça n'est pas dans tes habitudes, pourtant ! plaisanta la Moissonneuse, essayant maladroitement de détendre l'atmosphère. Normalement, tu devrais être en train de me noyer sous tout un tas de questions !

- En fait, j'ai une question qui me brûle les lèvres : si j'ai bien compris, tous les Moissonneurs, sans exception, ont mis fin à leur jour ? C'est bien ça ?

- C'est exactement ça, oui.

- Donc, ça veut dire que Sandra s'est suicidée, elle aussi ? C'est bon à savoir, ça. Comme ça je pourrais lui couper la chique la prochaine fois qu'elle me bassinera avec ses sermons ! L'hôpital qui se fout de la charité, j'te jure !

- C'est... c'est tout ce que tu retiens de ce que je viens de te raconter ? Je veux dire... je viens de t'avouer un meurtre ! Et... et que je me suis jetée d'un pont !

- Kim. Je t'arrête tout de suite. Tu aurais pu être Jack l'Eventreur, ça aurait été pareil pour moi. Ce n'est pas la Kim des années 60 que j'ai rencontré. Ce n'est pas celle qui s'est laissé consumer par la rancœur et le chagrin qui est devenue mon amie. Non, j'ai rencontré Kim la Moissonneuse, une battante, qui cherche à aider les autres, vaille que vaille. Une camarade fidèle sur qui on peut compter, même si elle ne laisse pas tant de latitude aux autres pour lui rendre la pareille.

- Dixit l'homme qui est entré dans un commissariat plein de Séraphins pour me libérer... ironisa la jeune femme.

- Et je le referais encore, s'il le fallait ! Ecoute... Quand on s'est rencontré, j'étais une épave. Je venais de perdre ma femme, je me découvrais des pouvoirs bizarres... Et pourtant, tu m'as tendu la main, là où la logique aurait voulu que tu me fuis comme la peste. Qui sait où j'en serais aujourd'hui sans ton soutien ? Sans doute mort et enterré depuis longtemps. Et puis franchement, s'il y a bien quelqu'un qui peut comprendre la douleur que tu as ressenti quand tes parents se sont faits assassiner sous tes yeux, c'est bien moi ! Alors, ça serait un peu hypocrite de ma part de te juger, tu ne crois pas ?

- C'est vrai... Mais toi, tu n'as pas tué leur assassin de tes mains...

- Parce que la justice s'en est chargée pour moi ! ... Tu sais, si j'ai voulu devenir avocat, c'était pour pouvoir rendre justice aux victimes de pourritures dans ce genre, afin qu'elles obtiennent réparation, comme ça avait été le cas pour mon frangin et moi. Mais si nous n'avions pas eu gain de cause, si cet enfoiré avait réussi à s'en tirer, d'une façon ou d'une autre, crois-moi que je l'aurais traqué jusqu'au bout du monde pour le mettre hors d'état de nuire, rien que pour être sûr qu'il ne fasse pas de mal à mon frère ! Et j'aurais sûrement été beaucoup moins soft que toi, au moment de l'exécution !

- Venant de la part de quelqu'un qui s'est mis au free-fight parce que son petit frère s'est engagé dans l'armée, je te crois sur parole !

- Mince ! Je pensais que tu ne m'écoutais pas quand je t'ai raconté tout ça !

- Tu sais, dans ma branche, écouter représente 75% du boulot. Donc même si j'étais en colère contre toi à ce moment-là, je n'ai pas pu m'empêcher de t'écouter t'épancher sur ce méchant frère qui ne voulait pas de ta protection, ce qui du coup t'avait jeté dans les bras d'une jolie blondinette, à ton corps défendant !

DIES IRAE - Cycle I : L'AngicideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant