Acte I, 15e Epître - Inspecteur Silvermann, NNYPD

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L'inspecteur Silvermann trépignait d'impatience. Ça faisait quinze jours qu'il rongeait son frein. Quinze jours qu'il attendait d'avoir enfin le droit d'interroger son témoin principal dans l'explosion du pont de Brooklyn. A chaque fois qu'il avait voulu lui parler, son médecin faisait barrage, prétextant que son état était encore trop instable et qu'il ne voulait pas l'exposer au stress. Ah, ces bons dieux de toubibs ! Toujours à ouvrir des parapluies pas possibles pour qu'on ne puisse pas mettre en cause leur responsabilité ! Tailler le bout de gras avec un inspecteur n'avait pourtant jamais tué personne !

Mais bon, Tom avait pris sur lui et avait respecté la volonté du bon docteur. Et enfin, sa patience avait payé ! Enfin, il allait pouvoir discuter avec l'homme qui détenait peut-être les réponses qu'il avait cherchées en vain ces deux dernières semaines. Jusqu'ici, il avait fait chou blanc, et ce malgré les nombreux interrogatoires qu'il avait menés. Personne n'avait rien vu. Personne n'avait le début d'une explication sur ce qui s'était joué ce lundi 10 août 2099, sur ce pont où soixante-six personnes avaient perdu la vie. Mais Ben Maners, lui, était aux premières loges. Il était le survivant le plus proche du lieu de l'explosion, et si quelqu'un avait pu être témoin de quelque chose, c'était bien lui.

Silvermann écrasa sa cigarette en sortant de la voiture de patrouille, et il monta les marches du perron du Presbytérien en remettant correctement le col de son vieil imperméable. Stones le suivait quelques mètres plus loin, moins enthousiaste que son partenaire. Il n'avait jamais aimé les hôpitaux, et cette aversion remontait bien avant son entrée dans les Marines. Ça lui rappelait quand il rendait visite à son grand-père, les dernières semaines de sa vie, alors que le cancer le rongeait de l'intérieur. Cette odeur de formol était restée gravée en lui comme celle de la Mort, et c'était vraiment contraint et forcé qu'il mettait les pieds dans ce dispensaire.

« - Sérieusement, Tom ! On pouvait pas attendre qu'il sorte de l'hôpital ? Tu sais bien que ces endroits me foutent les foies !

- Tu sais que ça me chagrine toujours de froisser ta susceptibilité, Bill, mais là, j'ai atteint les limites de ma patience. Putain, j'ai doublé ma consommation de clopes ces quinze derniers jours ! Donc tu préfères quoi ? M'accompagner voir Maners ou revenir ici dans six mois me rendre visite en chimio ?

- T'es vraiment trop con, Tom, bougonna Stones. Tu sais quoi ? Je vais choisir la troisième option : TU vas voir Maners, et JE reste ici avec la bagnole.

- Comme tu voudras. Mais je te préviens : ça risque d'être long ! »

L'inspecteur rentra dans l'hôpital et se dirigea vers les ascenseurs, pour rejoindre le service de neurochirurgie, où Maners avait été transféré après son réveil. Tandis que l'élévateur montait dans les étages, il ne pouvait s'empêcher de taper du pied d'impatience, trépignant comme un gosse devant ses cadeaux de Noël. Mais quand les portes s'ouvrirent, il tomba sur un tout autre type d'effervescence. Les infirmières s'activaient dans les couloirs, tandis que des agents de sécurité s'époumonaient dans leurs talkies-walkies, en liaison avec leurs collègues des étages inférieurs. Alors que Silvermann cherchait à comprendre ce qui causait ce tumulte, il vit débarquer dans le bureau d'accueil le docteur Edwards, accompagné d'une jeune infirmière.

« - Comment avez-vous pu perdre ce patient ?! Je vous avais pourtant demandé de le surveiller pour éviter ce genre d'incident, s'exclama le médecin, particulièrement énervé.

- Je suis désolée, docteur, se confondit en excuses la jeune femme. Il a dû profiter du code rouge de madame Di Stefano pour se faufiler jusqu'aux escaliers de secours...

- Nous voilà bien, maintenant ! Si jamais il lui arrive quelque chose, la responsabilité de l'hôpital et de notre service sera engagée !

- Un problème, doc ? demanda le policier, en s'invitant dans la conversation.

DIES IRAE - Cycle I : L'AngicideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant