Acte V, 11e Épître - La déchéance de Lucifiël

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« - Jophiël n'exagérait donc point : tu as bel et bien perdu la raison, Lucifiël ! Comment expliquer sinon que tu uses d'un tel langage à l'encontre de notre Créateur, déclama Métatron, avec une véhémence qu'on lui connaissait peu.

- Mon pressentiment s'est donc révélé exact, scélérat ! Tu as été bien prompt à rompre ta promesse de garder le silence sur nos projets.

- Je ne nierai point mon parjure, mon frère. Mais n'aurais-tu point agi de même si nos rôles étaient inversés ?

- Que nenni. Je t'aurais accordé le bénéfice du doute, plutôt que de te planter un poignard dans le dos !

- Tu te voiles la face, Lucifiël. Aurais-tu oublié la position qui était la tienne, quand la transformation de Ratziël a été révélée ? Comment tu t'es hâté d'accuser Père de tous les maux ?

- Et les faits m'ont donné raison, Jophiël ! Notre Père aurait-Il laissé Ses enfants se déchirer de la sorte sans réagir ? Et aurait-Il mis à mort la faune d'une planète entière juste pour mener une expérience ?

- Tu extrapoles en te basant sur des divagations...

- Il suffit, Métatron, l'interrompit Dieu. Lucifiël est décidé, et rien ne le détournera de son objectif. Me trompe-Je ?

- Tu dis vrai, usurpateur. Je suis résolu à achever ce qui est resté en suspens depuis la révolte des Déchus et à prendre ta vie dans l'instant !

- Je vois... En ce cas, Je t'en prie, procède donc. »

Le Très Haut avait ouvert grand les bras, comme s'il mettait au défi le Minotaure de mettre ses menaces à exécution. Horrifié, Métatron protesta, en vain. Il fut sommé de s'écarter et de ne pas intervenir, quoi qu'il advienne. L'être de lumière en fit également la demande à Jophiël, qui se contenta d'acquiescer en silence. Il partageait les réticences de l'ordinateur central, mais il avait bien compris que la décision de leur géniteur était aussi inébranlable que celle du chef des armées, et il ne pouvait donc qu'espérer que ce dernier reprendrait ses esprits avant qu'il ne soit trop tard.

Quant à Lucifiël, il ne savait que penser. Son adversaire rendait les armes bien trop facilement, ce qui lui faisait soupçonner un piège. D'un autre côté, s'il faisait fausse route et que la personne en face de lui était bien son Père, opter pour une résolution pacifique ne serait pas incongru de sa part. Pourtant, la petite voix dans sa tête martelait avec insistance qu'il lui fallait balayer ses doutes et ne pas faillir alors qu'il lui fallait balayer ses doutes et ne pas faillir alors qu'il touchait au but. L'ennemi était là, à sa merci, et il ne lui restait plus qu'à porter l'estocade pour en finir définitivement avec ce monstre de ténèbres qui sévissait depuis si longtemps, prenant son tribut macabre parmi ses frères et sœurs à mesure que ses complots arrivaient à maturité. C'était à présent sa responsabilité de chef des armées de faire cesser cette menace, et c'était avec conviction qu'il s'était élancé droit sur sa cible, ses griffes prêtes à transpercer le cœur de la créature à la seconde où elle serait à portée.

Mais plus la distance le séparant du Trône se réduisait, plus le doute l'envahissait. Celui qu'il voyait comme le Dieu noir restait parfaitement immobile, ne dégageant aucune animosité alors que sa fin semblait de plus en plus inéluctable. Était-ce la preuve de son arrogance, tellement assuré de sa supériorité qu'il ne jugeait même pas utile de se protéger de ses assauts ? Ou au contraire voulait-il pousser le Minotaure à frapper ? un soupçon traversa alors son esprit, le glaçant d'effroi : et si, au lieu de prendre la place du Très Haut, la divinité maléfique s'était immiscée en Lui, L'obligeant à commettre des atrocités en Le manipulant de l'intérieur, tel un pantin ?

DIES IRAE - Cycle I : L'AngicideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant