DIES IRAE - Cycle I : L'Angicide

Acte I, 11e Epître - L'Homme au masque

Michaël ne pouvait ôter de ses pensées les derniers mots que lui avait adressés Raphaël. Y avait-il une part de vérité dans ses accusations ? Le Très Haut Père douterait-il de sa fermeté ? Il était vrai que la longue période de paix qui avait suivi la capitulation de Lucifer avait émoussé son instinct combatif, mais était-ce vraiment un mal ? Non, pensait-il. Il n'y avait rien d'anormal là-dedans. Il était même plutôt persuadé qu'au contraire, il était sain de savoir quand reposer son épée. Tous les conflits ne se règlent pas avec la violence. Et dans le cas de ce mortel, plus de barbarie et de brutalité n'aiderait pas à comprendre ce qui s'était passé. Absorbé dans ses réflexions, il ne s'était pas aperçu qu'il avait tourné au mauvais embranchement et s'éloignait ainsi de la salle du Trône.

« - Eh bien alors, Deary ? Tu comptes poser un lapin à ton Très Haut Papounet adoré ? C'est tellement... inattendu de ta part ! J'adore ! l'harangua une voix nasillarde semblant venir de nulle part.

- Qui ose ?! Montre-toi, vil faquin, que je te corrige ! s'exclama le Séraphin, cherchant autour de lui du regard pour déterminer la cachette de l'intrus.

- Comment !! Tu ne reconnais pas le son de ma douce voix ? M'aurais-tu oublié ?! Je pleure des larmes de sang devant tant de goujaterie ! Eh bien soit ! Me voilà dans toute ma splendeur ! »

Sortant de derrière un pilier, tel un diable surgissant de sa boîte, un individu d'apparence filiforme s'avança vers le chef des armées. Il portait un costume rouge écarlate, qui tranchait avec le jabot noir charbon qui habillait son col. Il portait des gants en soie fin sombres, malgré le climat tempéré qui régnait au Palais Céleste, mais ce qui marquait le plus certainement les esprits, c'était le masque qu'il arborait, un vénitien de type jolly jester dissimulant entièrement son visage derrière un sourire figé.

« - Tadaaaam ! Alors, ça y est ? Tu me remets ?

- Satan... grogna Michaël en découvrant l'identité du trouble-fête. Comment es-tu arrivé jusqu'ici ? L'accès au Palais Céleste est strictement interdit à ton engeance !

- Rooooh ! C'est tout l'effet que ça te fait de me revoir après tout ce temps ?! Alors que toi, tu m'as tellement manqué, mon petit Mickounet ! s'exalta le diablotin en essayant de prendre le Séraphin dans ses bras.

- Garde tes familiarités, démon, le rabroua le chef des armées en esquivant son étreinte. Et réponds à ma question : que fais-tu au Palais Céleste ? As-tu été convoqué par le Très Haut Père ?

- Peuh ! Tu veux rire ? Ça me ferait mal, tiens, de rappliquer au garde-à-vous dès que ce vieux grigou me siffle comme un toutou !

- Surveille ton langage, traître ! Ou il t'en cuira !

- Ouh, j'ai peur ! Tu sais, Deary, tu es encore plus attirant quand tu cherches à faire preuve d'autorité. Je me demande ce que ça donne quand tu montres tes muscles, comme avec Raphaël tout à l'heure...

- Tu nous espionnais ?!

- Mais non, voyons ! Quelle idée ! Je cherchais juste mon chemin dans ce labyrinthe de colonnes et de marbre... Faut dire que c'est démesurément grand, chez vous ! Je ne sais pas qui a conçu cet endroit, mais il aurait fallu lui dire que les coins et recoins, c'est complètement superflu ! Nous en Enfer, tout est beaucoup plus direct, tu vois... Pas de croisements, recroisements, entrecoupements...

- Satan...

- Oups, pardon. Je me laisse emporter dans mes pensées et je dérive complètement du sujet ! Donc, qu'est-ce que je disais ? Ah oui ! Donc, je cherchais mon chemin dans votre dédale céleste quand j'ai entendu ta voix sensuelle résonner dans les coursives ! J'ai donc accouru en toute hâte dans ta direction, et c'est là que je vous ai entendu vous disputer autour d'un certain... incident ?