Acte V, 2e Épître - Satiël

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« Vous autres, mortels, avez une expression, il me semble, qui décrirait parfaitement Satiël : quiconque l'ayant connue avant sa déchéance lui aurait donné le bon Dieu sans confession, moi le premier. Elle était si effacée, voire même renfermée, que nul n'aurait pu soupçonner qu'elle serait à même de fomenter pareille révolte. Pour tout dire, il a fallu attendre que ses pouvoirs particuliers soient portés à notre connaissance pour qu'enfin, je me souvienne de son nom ! Mais rien de surprenant à cela, puisqu'elle s'évertuait en toute circonstance à ne point se faire remarquer. En temps normal, elle dissimulait son visage derrière ses longs cheveux d'un noir d'ébène, comme pour se protéger du monde alentour. Pendant les entraînements physiques ou magiques, elle s'arrangeait pour n'en faire ni trop, ni trop peu, et dès que des discussions se lançaient, qu'elles soient houleuses ou philosophiques, elle rentrait sa tête dans ses épaules et se cachait derrière ses frères plus imposants, quand elle ne s'éclipsait pas purement et simplement. Une vraie anguille que cette Satiël, indéniablement !

Mais un jour, des troisièmes m'ont abordé, surpris de me trouver en cet endroit, alors qu'ils m'avaient croisé tantôt me dirigeant dans la direction opposée. J'ai alors mené ma petite enquête, et c'est là que j'ai découvert que cette petite futée, afin d'échapper à des rencontres impromptues, principalement avec les anges mâles appartenant au groupe des Dominants, changeait son apparence pour endosser la mienne. Un choix intéressant, qui démontrait que derrière son attitude falote se dissimulait une fine observatrice. Tu te demandes pourquoi ? Il est vrai que je n'étais pas le seul parmi les deuxièmes générations à être intimidant, mais à l'inverse d'Haniël ou d'Asmodiël, j'avoue n'avoir jamais été du genre très affable avec mes cadets, ce qui ne les incitait pas particulièrement à m'adresser la parole s'ils me croisaient dans un corridor, si ce n'était pour un salut poli. Une fois le pot aux roses découvert, je la confrontais, mais plus j'essayais de lui soutirer des explications, plus elle se renfermait, au point qu'elle finit par éclater en sanglots...! Ne sachant plus quoi faire, je la confiai aux bons soins de Gabriel, en lui intimant l'ordre de veiller à ce qu'elle n'emprunte plus jamais mes traits. Quelle erreur ce fut !

Pas que Gabriel ne s'occupa pas bien d'elle, au contraire. Elle la prit sous son aile, l'emmenant avec elle partout où elle allait et la poussant à sortir de sa coquille. En quelques mois, Satiël commença à s'ouvrir à ceux qui l'entouraient. Elle attacha ses cheveux, dégageant ainsi son visage et permettant à ses yeux en amande aussi noirs que sa chevelure d'ensorceler son assistance. Et tandis qu'elle s'affirmait parmi ses pairs, avec une assurance insolente, sa relation avec sa ''chaperonne'' se renforçait d'autant plus. Leurs liens sororaux étaient très forts, plus qu'avec leurs autres sœurs, et elles étaient devenues inséparables. De ce fait, quand Gabriel commença à fréquenter Raphaël, Satiël en prit ombrage. Pendant un temps, elle montra de l'hostilité à l'encontre de ce dernier, mais elle se radoucit légèrement quand Michaël et Uriël se joignirent à leur petit groupe. Les voir ainsi badauder tous les cinq, troupe hétéroclite dont les membres n'avaient a priori rien en commun, avait un côté plaisant. Bien sûr, tout le monde ne voyait pas cela avec autant de bienveillance, particulièrement ceux qui n'appréciaient guère que l'ange de jais délaisse ses obligations et néglige son rôle de meneur des Dominants.

Ainsi, plusieurs d'entre eux finirent par les provoquer, cherchant sans doute à prouver qu'ils étaient plus aptes à diriger leur groupe que Raphaël. Le ton monta rapidement, Gabriel n'ayant pas son pareil pour rabrouer ceux qu'elle méprisait avec sa morgue tranchante telle une lame affutée. Et Raphaël non plus ne s'en laissait pas compter. Ne sachant pas comment s'imposer avec leur rhétorique, les importuns décidèrent de régler l'affaire avec leurs poings, mais les bougres ne s'attendaient pas à être reçus par une Satiël ayant pris les traits chimériques d'Asmodiël, et ils battirent en retraite les ailes entre les jambes, sous le regard amusé de Gabriel, qui était alors la seule au sein de leur quintette à être au courant des dons de l'Ange de la Métamorphose. Malheureusement, alors qu'elle pensait avoir agi au mieux pour ses frères et sœurs, elle allait prestement découvrir les implications regrettables de son intervention.

DIES IRAE - Cycle I : L'AngicideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant