Chapitre 3

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Heureux d'avoir sauté le pas, je me sens possible de tout. Et je le serai encore plus quand j'aurais bu. Mes vices doivent sortir ce soir, faute de les avoir caché pendant toute une vie. 

Pour cette dernière soirée à Paris, il me faut être bien avec moi même. Je dois partir sans rien regretter. Je décide donc de prendre une douche, bien chaude, celle que l'on apprécie l'hiver. Je rentre dans la cabine et sous l'eau chaude coulant sur mon corps, je me sens comme flottant. Au dessus de quoi ? Je n'en sais rien, je me sens juste léger. Comme si rien ne pouvait désormais m'arriver. Ce n'est pas une sensation habituel pour moi qui a force de côtoyer une femme stressante et stressée, ai fini par devenir comme elle. Je ne m'inquiète en ce moment plus de rien et la seule odeur du shampoing que je m'applique désormais est comme une drogue me procurant un bien-être que je n'aurais jamais soupçonné avant. On oublie bien vite les choses essentielles à notre bonheur. 

Une fois rincé et sorti, je me dirige vers le miroir de la salle de bain. Ce que je vois dedans ne me plaît pas vraiment. Je me sens affreusement charmant et à la fois totalement sombre. J'ai l'impression d'avoir un masque en permanence qui cache mes démons. J'entends du bruit. "Merde c'est Morgane !" "Chéri que fais-tu ?" Je veux qu'elle se taise. Je le veux plus que tout et je pourrais faire bien des choses pour arriver à mes fins. Je pourrais la tuer, maintenant, juste pour que, pour une fois, dans nos si longues années de vie commune, elle me laisse tranquille. 

"Je prenais juste une douche, ne t'inquiète pas. 

- Tu es sur ? J'avais l'impression que tu parlais tout seul. Tu faisais un bruit effrayant."

Or je n'avais rien. J'ai l'impression que toute mon âme est devenue effrayante. Qu'elle commence à sombrer vers un avenir ténébreux ou rien ne pourra plus m'émouvoir. Je me dirige vers le salon et cache la bouteille de bière vide et le paquet de cigarettes. Il ne faudrait pas qu'elle les voie. Ca serait trop dur à gérer, je suis pressé. 

J'ai soudain une idée. Et si elle dormait pendant très longtemps ? Je fonce vers la cuisine et prends un verre de Coca Cola. 

"Tu veux un verre de Coca Morgane ?, lui proposé-je

- Avec plaisir", me dit-elle, totalement dans les vapes. 

Evidemment qu'elle allait en vouloir un. Elle ne peut pas résister. Ni à un bon verre de Coca ni à ma gentillesse qui se fait si rare en ce moment et qu'elle accepte donc avec un énorme plaisir. 

Je commence vraiment à m'énerver moi-même. Je dois sortir, faire ce que j'ai à faire et elle est là, s'interposant à moi, comme si elle savait ce que je manigance. "Où sont-ils ? Où sont-ils ? Où sont ces maudits somnifères ?" sont les paroles qui se répètent en boucle dans ma tête, comme une mélodie affreusement morbide et cruelle. La salle de bain. Evidemment. Je m'y hâte et commence par ouvrir l'armoire à pharmacie. "Doliprane ? Inutile. Physiomer ? Encore plus. Advil ? Ce truc existe encore ?! Il me faut quelque chose de fort, qui l'endormira pendant longtemps", me dis-je à moi-même. Phénobarbital, évidemment. Une pilule par soir. Elle en prendra bien plus. J'attrape la boîte et fait tomber un tas d'autres médicaments dans ma précipitation. Fuck. Là je fais un sacré boucan et je m'en rends bien compte. Je ne devrais pas. Je devrais être discret mais j'ai tout sauf la tête à être discret. 

"Ca va ? Tu en fais du bruit pour me servir un Coca. J'arrive," m'inquiète-elle. 

Je ne veux pas qu'elle vienne pas maintenant. Il ne faut pas qu'elle voie tout ça. Je cours dans tout l'appartement et je me fous totalement de ce que les voisins du dessous vont penser de nous. Dans exactement dix heures et trente minutes je ne serai plus là. Arrivé dans la cuisine j'ouvre la boîte. Je n'ai pas le temps de faire le point sur combien de pilules il lui faut et combien elle supportera au maximum. Elle en aura six. Peu importe ce qu'il advient d'elle. Je ne veux pas qu'elle meure mais cela ne me dérangerait pas tant que ça. Plouf ! Elles sont dans le verre, ça y est enfin ! Je regarde bien quel verre est le mien et quel est le sien, histoire de ma pas me tromper. J'arrive devant la porte de notre chambre et elle ne l'a pas encore dépassé, beaucoup trop fatigue qu'elle était pour se lever d'un bond, je suppose. 

Et la vérité s'envolera avec moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant