Chapitre 2

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C'est donc le canapé qui aura le privilège de partager cette nuit avec moi et quel privilège. J'ai l'impression que c'est finalement la seule chose qui me fasse encore du bien dans cette maison. Je dis maison car c'est ce qu'on aurait toujours voulu avoir, enfin avant, vous savez.. Notre maison est un appartement et je l'aime beaucoup. J'aime le fait de ne pas avoir eu besoin de vouloir marquer mon territoire en entreposant des centaines de babioles comme Morgane l'a décoré. J'aime le fait de ne pas avoir été dépendant, jusque là, d'une certaine esthétique à laquelle j'aurais voulu m'attacher à tout prix. Cet appartement ne me ressemble sûrement pas. Moins de pourpre, de parme, de violet, de lilas et j'en passe et des meilleurs, serait vraiment opportun. Or contrairement à ce que l'on pourrait penser, j'estime avoir réussi à me l'approprier sans le dénaturer. Je n'ai pas essayé de le remplir d'objets à moi dans le but de remplir l'espace pour me dire que je vis réellement dedans. 

Penser à tout ça me donne envie de boire, c'est pas très malin. Je m'en vais chercher une bière, fraîche, si Morgane n'a pas oublié d'en remettre au frigidaire. Miracle ! Il y en a. Une. "Super" me dis-je. Je la décapsule et m'envoie une grande gorgée cul sec. La bière je n'aime pas réellement ça mais il y a tellement de choses que je n'aime pas auxquelles je me suis habitué. Tout vient avec le temps.

Lorsque je reviens de la cuisine une seule chose me vient en tête. M'affaler. M'affaler sur le canapé, allumer la télévision et fumer une clope. Morgane va finir par me rendre fou tant elle a fini par me rendre mauvais. Oui c'ets exactement ça, elle m'a rendu noir, elle a soufflé tout ce qu'elle avait de mauvais sur moi de sorte que j'en sois tout entier recouvert. Je la déteste. Je l'aimais et maintenant je la détêste. 

Nous nous sommes mariés jeunes et c'est vrai que de nos jours, au XVI siècle ce n'est pas chose courante. Nous n'étions que des enfants, tout au plus des adolescents en chaleur qui pensaient avoir trouvé la personne idéale, celle qui comblera l'autre pendant le reste de leur vie. Or, voilà où nous en sommes. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir mal commencé. Notre mariage était pour ainsi dire vraiment magnifique. Comme si elles en s'étaient senties investies d'une mission la mère de Morgane, Sévèrine et ma propre mère avaient tout organisé et il y en avait des choses ce jour-là. Je crois que nous n'aurions pas pu faire en un an ce qu'elle ont fait en tout et pour tout deux mois, et demi peut-être, à croire qu'elles n'avaient que ça à faire - ce qui est peut-être vrai -. La cérémonie à la mairie était simple, simpliste mais tout à faire remarquable. Remarquable parce qu'elle était justement simple, et simpliste. Pas de chichis, pas de grandes orations, juste une petite salle en bois, ornée quelque peu au mur. Madame Levassier avait été super, ces paroles surent nous toucher tous au plus profond et c'était avec sérénité que nous allions tous vers nos vies futures en ce jour. La fête, le soir, avait été beaucoup plus.. affriolante, extravagante.. comme si il y avait eu besoin d'autant de roses, de dahlias, de marguerites et de jonquilles dans si peu de mètres carré. C'en était presque indécent et je n'ose imaginer le pactole qu'on empoché les différents fleuristes du quartier. La nourriture aussi était indécente. Beaucoup trop ! Même si c'était succulent, j'ai fini par en avoir honte. Les gens riches pensent que parce qu'ils ont la possibilité de dépenser sans compter qu'il est de leur devoir de le faire or ce jour là j'aurais aimé que tout cet argent, ou tout du moins, tout cet argent en trop fût dépensé autre part pour une cause plus grande et moins nombriliste qu'un mariage. Nos parents respectifs sont riches et en ce qui concerne ma famille, l'argent n'a jamais manqué. C'était comme si cela en devenait une fierté et c'est comme cela que s'affichaient mes parents à leurs bien trop nombreux galas de bienfaisance, bienvenue, bienveillance... comme si tout ce qu'apportait l'argent était bien. Or, l'argent amène avec lui son lot de surprises et de représailles. Je le savais que depuis déjà très longtemps, depuis que j'avais entendu ma mère parlait à la domestique qui nous aidait aux tâches ménagères, enfin plutôt celle qui, faisait toutes nos tâches ingrates à elle seule. "Conchita, ma chérie, balaye donc ici. Et là, regarde comme c'est poussiéreux. N'as-tu donc pas balayé ici, déjà ? Je te l'ai déjà dit, tu dois nettoyer, épousseter, ranger, tout. Tu entends tout ? Ingrate que tu es, tant ton travail est mal fait, nous pourrions dire que tu es sourde. C'est fou ! ENTENDS-TU COMME C'EST FOU ?!" Ma mère pensait avoir le contrôle, pensait que l'argent lui donnait une force supérieure, un droit suprême qui ferait qu'elle aurait supposément le droit de traiter qui elle voulait comme elle le souhaitait. Le soir même, Sofia - que ma mère appelait Conchita que parce qu'elle venait d'Amérique latine et que cela l'amusait de profiter de la discrimination déjà présente dans notre époque pour se déculpabiliser de celle qu'elle faisait subir - était partie. Depuis ce jour nous n'avons plus jamais retrouvé une autre domestique aussi gentille et cordiale qu'elle. C'est simple nous n'en avons plus jamais retrouvé. Elle avait réussi à tirer parti de ce qu'elle avait, elle, ses amies, sa famille, pour réussir à nous bâtir une réputation de tyrans ce qui qualifient bien mes parents. Ma mère fut dévastée, intérieurement, je me disais que c'était la première fois que je la trouvais réellement pathétique. Trois jours à crier son nom d'une voix de loup affamé dans chaque pièce de la maison était complétement ridicule et débile. Assume ce que tu fais. 

Et la vérité s'envolera avec moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant