Chapitre 5

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Je commence mon nouveau verre et chaque gorgée sonne comme un nouveau soupçon d'espoir qui en moi s'instaure. Je n'avais jamais cru aux bienfaits de l'alcool car naïvement nous pouvons croire que ce n'est qu'une stupidité parmi tant d'autres vices or c'est totalement faux. Expliquez moi comment certains réussissent mieux à faire ceux qu'ils font lorsqu'ils sont alcoolisés voire bourrés, drogués, planant plus ou moins haut. Expliquez le moi. 

Cela désinhibe certes. Cela fait faire des choses absurdes. On a envie de danser, de rire, de pleurer, de crier, de se cacher, de faire des folies, de boire encore plus, d'oublier, de se sentir libre, d'être quelqu'un que l'on n'ose pas être pour pouvoir ensuite rejeter la faute sur la boisson. Et ça, c'est ce que j'ai envie de faire ce soir. Je ne sais pas pourquoi réellement car je ne devrais pas être si malheureux ou alors tous ceux qui gardent la tête hautes sont des hypocrites aux tourments profonds et réels. J'avais - car je quitte tout cela ce soir - un appartement, une femme, des enfants, des amis et un travail. Sans parler de ma famille, plus ou moins adorée de mon être. 

J'ai de plus en plus envie de bouger, de claquer des poings sur les murs, comme un fou le ferait - ce que je ne suis pas, du moins je crois -, et cela m'ôte l'envie d'écrire des romans à chacune des personnes que je voudrais. Je n'ai plus réellement envie de leur donner du temps et c'est pour ça que je me dois, si je m'écoute, d'écourter ce moment. 

"Une dernière chose et on s'en va", me dis-je intérieurement. 

Guillaume, 

Oh putain ce que cela fait longtemps que je ne t'ai pas parlé. J'espère que tu prendras cette lettre comme étant quelque chose d'important car il se trouve que ça l'est. On s'est connus en CM1. En CM1, tu te rends compte ? C'est fou comme le temps passe vite. Je me souviens parfaitement de ton jogging bleu qui avait fini par devenir pastel tant tu le mettais tous les jours, de ta joie de vivre, de cette débilité infinie qui te rendait si beau et qui avait fini par faire tomber celle que tu aimais plus que tout à cette époque, Lorie. C'était le bon temps. 

Depuis tu as du déménagé, en fin de primaire, dans le Sud et je ne t'ai plus réellement revu. Un weekend par ci, un weekend par là et je ne te l'ai jamais dit mais j'aurais voulu qu'on reste ensemble car je savais, dès les premiers instants, que tu serais mon meilleur ami pour toujours. 

Je sais que cela n'a pas toujours été facile et que cette phrase fait absolument cliché mais c'est la stricte vérité. Je t'aime mec ! Sache le putain. J'aurais aimé qu'on puisse grandir ensemble, aller aux mêmes bars, sortir les mêmes soirs, aller à la même école, travailler ensemble mais ce n'a pas été possible et je le regrette presque amèrement. Après il est vrai que je n'avais aucune envie de devenir boulanger et je me demande encore et toujours pourquoi tu as voulu faire ce métier. Tu étais si doué en histoire. Tu aurais pu être quelqu'un de brillant - non pas que la boulangerie ne soit pas un beau métier, tu sais -, quelqu'un de grand. Tu aspirais selon moi et ce que je pense, à mieux. Si l'envie te vient sache que, même si je ne serai plus là, je te soutiendrai quoiqu'il arrive. 

Je connais ton actuelle surprise à ces dires et ne crois pas que c'est des craques. Je quitte ce foutu monde de merde comme on s'amusait à le critiquer il y a encore de cela quelques années. Je m'en vais. Je vais enfin être réellement heureux. J'aimerais te dire de venir avec moi ! Oh oui, j'en rêverais ! Sache que là où je vais j'y resterai sûrement. Je ne sais pas te dire quel est ce lieu. Je prends un mystérieux train demain et je t'en prie, ne t'inquiète pas pour moi. Tu t'es déjà bien assez inquiété pour moi avant. Tu as toujours été mon grand frère, celui qui laissait tout tomber pour me remonter le moral et ce que jusqu'à aujourd'hui ! Je suis si content de t'avoir eu dans ma vie. Le site de réservation dit que mon train va en Russie mais je n'en, en réalité, aucune certitude et je n'en demande pas autant. Où que je puis-je aller sera toujours mieux que ce monde miséreux de misère. Les nuages gris ont fini par donner leur couleur au monde et le sourire des gens s'est bien vu transformé en grimace hypocrite faussement maîtrisée. Je ne veux plus les voir malheureux, ni heureux, ni enragés comme ils le sont tous les jours, ni amers après avoir foiré quelque chose, ni surpris de s'être fait trompés - comme si c'était quelque chose d'inhabituel maintenant -, ni effarés de devoir avancer, ni tristes de ne pouvoir reculer car tous pensent que le passé est une valeur sure. Je ne veux plus les voir car je ne peux plus le faire. 

Et la vérité s'envolera avec moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant