Chapitre 24

16 1 0
                                    

Je me relève et j'ai mal. J'ai mal aux muscles et j'ai mal au coeur. Je me sens brisé et complétement anéanti. Mes pensées ne sont plus très claires et j'accuse un léger traumatisme cranien à cause de ma chute. Je suis au milieu de nulle part et je ne vois aucun hôpital dans lequel je pourrais me réfugier ne serait-ce que pour obtenir quelque chose qui calmerait ma migraine, qui chaque seconde, devient plus forte. Je ne sais pas ce qui m'a pris de dire tout ce que j'ai dit à ma soeur. Je ne me souviens pas, ni qu'elle m'ait fait du mal ni qu'elle m'ait rendu ainsi mais je le sais. Je sais qu'elle est vilaine et j'espère que mon jugement n'est pas modifié par le fait que je me cherche encore des excuses à ma propre cruauté. 

Il faut que je protège les passagers de ce train qui n'ont demandé rien de plus qu'un peu de sérénité comme au début j'avais en tête en achetant mes billets. Je dois les sauver. Je ne sais pas ce dont ma soeur est capable mais je préfère ne pas user mon temps à imaginer les mille choses qu'elle a peut-être en tête actuellement. Je décide de suivre les rails et ceux-ci apparaissent illuminés par la lune, leur acier complétement brillant, ce que je trouve magnifique. Lorsque je regarde au loin j'ai l'impression qu'ils ne s'arrêtent jamais et lorsque je me retourne j'ai l'impression qu'ils ne commencent nulle part. La réalité et le rêve sont désormais entremêlés telle une énorme bobine de laine dont on ne serait trouver le bout. 

J'aimerais être en train de rêver. Peut-être suis-je en train de regretter mon comportement, peut-être que j'ai exagéré, peut-être que je n'ai plus le courage. On dirait que tout se retourne contre moi quoi que je fasse et j'aimerais juste pouvoir m'asseoir, m'allonger et ne plus bouger jamais. Je suis sûr que je pourrais le faire, me laisser mourir de fin et mourir ici, dans ce mélange de paysage urbain et campagnard, juste entre les buis et les pissenlits et pourtant je décide de ne pas le faire. Je crois que l'on veut me forcer à faire ce dont je rêve mais dont je ne connais pas la nature. Le destin m'empêche de m'égarer. Il m'a empêché de prendre ce train, empêcher de mourir et maintenant il m'empêche de suivre ce dont j'étais à la poursuite. 

Je ne crois pas tellement aux fantômes, ni aux esprits et encore moins à Dieu mais j'ai vraiment l'impression que quelqu'un tient nos vies entre ses mains, d'un lieu dont l'existence ne serait qu'irréelle tel un marionnetiste s'amusant avec ses poupées. On se fait tous manipuler sans le savoir et celui qui manipule l'est aussi. Le chat mange la souris mais le chat aussi est, au final, mangé par quelqu'un d'autre. Il n'y a jamais de fin et plus gros l'on peut toujours trouver. 

J'ai l'impression que je dois rattraper ce train qui court la nuit comme un animal errant, en quête de nourriture. Je ne sais pas comment y arriver mais il me faut le retrouver. Je décide de réfléchir à tout ça à la prochaine gare faute de pouvoir me poser dans un endroit sûr et d'avoir l'esprit totalement lucide. Je cours alors, entre les rails et cela me rappelle la fuite d'Eddinson Square. Je suis désormais seul et plus seul que jamais. Ni Guillaume, ni Alexander n'est avec moi et je suis triste de n'être accompagné de personne. Je n'ai pas les armes pour mener ce combat seul. J'ai besoin de plus. Je ne veux peut-être plus faire autant de bruit qu'avant, peut-être n'ai-je juste plus l'oxygène qui permettait à ma flamme intérieure de brûler, ardente et puissante ? Et pourtant c'est tout ce qu'il me reste. A ma manière je vais changer le monde, faire bouger les choses, réduire les injustices et cela se fera par la force et cela, c'est une chose sûre. 

Je cours, encore et encore et bientôt je ne reconnais plus les lieux par lesquels je passe. Je ne sens plus le vent sur ma peau et j'ai l'impression de flotter dans quelque chose de différent, d'inconnu et de presque mystique. Je suis des rails que je ne distingue plus et fonce vers un lieu qui devrait me paraître plus effrayant qu'il ne me paraît déjà. Je ne réfléchis pas et avance, un pied devant l'autre, l'autre pied repassant devant l'autre comme un algorithme bien rôdé. 

Et la vérité s'envolera avec moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant