Chapitre 7

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Il est à présent quatre heures du matin et la nuit m'a juste parue comme étant le prolongement d'une longue journée qui a démarrée il y a déjà bien des heures. J'hésite sur ce que j'aimerais faire. J'aimerais pouvoir faire quelque chose de grand avant de partir. Pas quelque chose de grand comme on pourrait l'entendre, quelque chose de beau mais clinquant, quelque chose de ressourçant, qui m'aide à traverser tout ça. Je n'ai pas envie de faire quelque chose qui soit vraiment marquant, juste quelque chose qui me plaise. 

J'ai trouvé. Je sors mon portable, ouvre une page web et recherche le numéro d'une compagnie de taxi. Je me fous clairement de savoir à quelle firme je vais permettre de s'enrichir. Elles se valent toutes. Les taxis ne cherchent qu'à s'entre-tuer entre eux, comme des lions dans un cirque, pour avoir le client qui leur fera gagner vingt euros de plus leur permettant d'oublier tout ça en se payant deux bières de plus au bar le soir, lorsque leur femme les croira en train de travailler. 

J'appelle. "Oui.. allô ? Oui, venez me chercher. Je sais que je vais devoir payer votre voyage jusque ici... Arrêtez de me prendre pour un imbécile, je sais que ça me coûtera un bras... Oui, je sais la politique des tarifs selon les heures... Je ne suis pas là pour entendre votre putain de discours sur comment le gouvernement a tout reformé il y a quelques années ni pour entendre votre plainte concernant les chauffeurs privés qui ruinent votre business... C'est sûrement intéressant mais vous savez quoi ? JE N'EN AI RIEN A FOUTRE. Rien, nada, nothing... Vous pouvez venir ?.. Je ne sais pas où je suis, nan. Tout ce que je peux vous dire c'est que je suis devant une boîte aux lettres à quelques centaines de mètre d'un bar miteux... Je vous paierai. Je peux vous payer maintenant, vous vous donnez les moyens qu'il faut mais vous venez jusqu'à moi... Oui je peux payer la course de trente taxis à la fois, voire plus... Passez moi votre numéro de compte... Je vous paye tout de suite... Je vous rappelle."

J'en ai vraiment marre mais je suis pour une fois heureux de voir que l'argent peut à peu près tout acheter y compris la soumission des hommes de notre société descendue bien bas. 

J'appelle mon banquier et lui demande de verser deux-cent milles euros à la société de taxi qui m'a déjà bien assez énervé. Il ne comprend rien mais il essaye pourtant, j'apprécie. Il n'a pas de questions à poser. Il le fait et lorsqu'il me le dit je suis bien heureux de l'apprendre. Je raccroche donc, satisfait. 

Je veux vérifier une théorie et décide de ne pas rappeler ces maudits taxis. Je suis bien content de voir quelle emprise je peux encore avoir, presque honteux mais réellement content. Je m'assois sur le bord du trottoir qui me fait face et décide d'attendre. 

Il aura fallu peu de temps pour voir un taxi roulait jusqu'à mon niveau. Evidemment qu'ils allaient venir, dès qu'ils surent qu'ils avaient empoché mon argent. Théorie vérifiée. C'est beau comme la corruption fonctionne encore de nos jours. Elle existe toujours malgré ce qu'on puit en dire. Personne n'y pourra rien, c'est inscrit dans les moeurs. Il faut vraiment arrêter de se voiler la face. 

Le chauffeur descend de son véhicule et me fait un grand sourire dès lors qu'il me voit et qu'il voit que je le regarde. Je sens qu'on va s'amuser. Tout en m'ouvrant le porte il me dit : 

"Bienvenu monsieur. Nous avons rapatrié notre taxi le plus confortable jusqu'à vous pour que vous et votre séant vous sentiez bien à l'aise. Je vous en prie, montez."

Je monte et j'arrive à peine à retenir mon envie de rire. Je pouffe comme un idiot, aussi discrètement que possible. Pour que vous et votre séant vous sentiez bien à l'aise. Cette journée ne fut définitivement pas gâchée et je remarque que l'hypocrisie du monde me dépasse encore un peu plus. 

Je m'attache et je sens le regard du chauffeur qui me couve. J'ai l'impression qu'il se sent obligé de prendre soin de moi et je trouve cela ridicule. L'argent fait réellement tourner le monde. Je vois ses lèvres commencer à remuer et en mettant mon doigt sur sa bouche lui fait comprendre qu'il ne devrait rien dire. Devant rouge et interdit, il se décide finalement à mettre ses mains sur le volant, presque conscient du ridicule qui a pris possession de son corps dès l'instant où il a ouvert la porte avec sa foutue révérence comme il a vu les maîtres d'hôtels faire ou quelques autres personnes du genre. Il n'ose plus me regarder, quel honneur, on se croirait être le maître du monde. Est-ce cela que les dictateurs ressentaient autre fois ? Peut-être et bien que je ne les pardonne pas, si tant est qu'ils puissent l'être, je les comprends un peu, si cela est possible au vu de leurs actes plus qu'abominables. 

Et la vérité s'envolera avec moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant