Et la vérité s'envolera avec moi

Chapitre 21

Je ne sais pas où nous allons aller mais Alexander semble être sûr de lui. Il m'aggripe le bras, puis naturellement la main et commence à courir. Je ne sais pas si on nous a vu mais les cris des personnes derrière nous me confirment cela. "Arrêtez-les, arrêtez les !" Je ne veux pas aller en prison, je veux juste un peu de tranquilité. 

On nous course et le rythme que nous tenons maintenant depuis quelques minutes commence à devenir insupportable. Je suis plus endurance que vitesse. Mon ami ne me regarde plus et fixe l'horizon devant lui, comme un robot, aux gestes précis et rapides, avec un but bien déterminé dont il ne se peut détourner. J'ai une confiance aveugle en lui et m'efforce de ne ps avoir peur. J'ai peur que tout tombe encore à l'eau à cause des Autres, j'ai peur de finir me retrouvé coincé, emprisonné, avec pour seule personne à qui parler : moi-même car je suppose qu'on ne me laissera plus jamais être en compagnie de quelqu'un. 

Ce sont désormais des hommes sur segway qui nous poursuivent et arrivent à notre niveau. Ils commencent à nous essayer de nous tirer en arrière pour nous stopper et je suis soudain complétement déchiré. Je ne veux plus faire acte de violence et je ne l'ai jamais fait mais je pense que c'est, désormais, une obligation. Ils commencent à arracher mes vêtements et sans réellement comprendre ce que je fais, je les pousse sur les voies adjacentes au quai sur lequel nous sommes. Les deux personnes qui nous encerclaient tombent alors et sans nous en préocupper plus que ça, nous continuons notre course vers un monde meilleur. 

Le brouillard s'abaisse autour de nous et c'est une atmosphère presque inquiétante que celle dans laquelle nous sommes plongés. Il fait soudain beaucoup plus sombres et je ne me souviens pas avoir vu de tels lieux autour de la gare. Les cris se sont soudain étouffés et rien n'arrive plus à nos oreilles. On se croirait ailleurs et c'est dans un monde empli de silence comme cela que personne ne voudrait vivre. Personne n'y vit d'ailleurs et c'est bien ce qui m'angoisse. 

Je baisse les yeux au sol et remarque que nous sommes encore sur un quai malgré le fait que nous avons arrêté de courir il y a déjà quelques temps. Le sol est le même bien que beaucoup moins recouvert de détritus et rien ne semble étranger à quiconque connaissant un peu le milieu urbain. On pourrait croire que nous sommes encore dans la gare mais rien ne le fait réellement croire. 

Alexander quant à lui, continue sa route dans un calme olympien. Rien ne l'inquiète et je trouve cela magnifique. Je sais qu'il voit les choses arriver car c'est un des derniers souvenirs qui me soit revenu mais je ne le conçois toujours pas. Il sourit, un peu naïvement mais il sourit. Il sourit à l'avenir et à la vie et j'aimerais pouvoir en faire autant. 

Il s'arrête et je ne comprends pas pourquoi. Il s'est arrêté au milieu de nulle part et l'endroit précis où nous sommes ne se distingue pas de ceux que nous avons parcouru avant. Je le vois songeur, la tête quelque peu dressée vers le ciel, les yeux presque vides. 

"Pourquoi ici ? 

- Ne me demande pas trop de choses Léo. Je sais et je sais ô combien cela t'énerve que je ne puisse pas t'en dire plus. Je ne peux même pas raconter ce que je vois car les mots restent bloqués dans ma bouche comme si ma bouche était scellée sous silence. Sois patient. Nous devons attendre ici. Je te le repête, je le sais. 

- C'est injuste, dis-je, un peu jaloux. 

- Je te promets que tout ira bien." 

Je le crois et je m'attriste de le croire aussi facilement. En quelques jours seulement il est devenu l'une des personnes que j'aime le plus dans ce monde et cela n'aurait jamais du être ainsi. Je me repens de n'avoir pu être celui que les Autres aurait voulu mais sans grande conviction. Je n'ai pas choisi la facilité et maintenant je me dois de l'assumer. Notre combat n'est pas fini et il est désormais nécessaire que je le continue ne pouvant m'arrêter ainsi.