Chapitre 6

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Je virevolte dans les tumultes de la nuit sans réellement savoir si je suis en un état normal car les choses qui m'arrivent à présent deviennent de plus en plus dérangeantes et à la fois agréables à vivre. Je suis en direction du bar où j'ai laissé mes lettres auxquelles j'accorde vraiment d'importance en ce moment. Elles sont ce que je laisse dans ce monde et je ne voudrais pas qu'elles aient disparu pendant mon absence. J'aurais du les prendre avec moi, je n'y ai pas pensé sur le moment mais j'ai vraiment été stupide. 

J'essaye de courir mais je n'en ai plus réellement la force. Je suis léger d'esprit mais mon corps et ses quatre-vingt kilos restent quand même un poids que je dois trainer comme un boulet, surtout sous l'effet de l'alcool. En réalité, je ne sais plus réellement où est le bar dans lequel j'ai traîné cette nuit. Je m'enfonce dans le brume de la nuit, dans ses ténèbres, qui nous engouffrent, mon esprit et moi, vers un lieu où le temps n'existe plus. Je ne pense plus très clairement, il est vrai et je m'abstiens de parler de peur de dire quelque chose que je pourrais regretter même si je n'ai pas l'impression que je pourrais regretter quoi que ce soit. 

J'ai vraiment l'impression de tourner en rond et les rues se ressemblent chacune plus que la précédente. J'ai du mal à me raisonner et mon esprit ne réagit plus vraiment comme je le voudrais. C'est compliqué de voir clair dans tout ça et même si c'est quelque chose qui m'est arrivé souvent dans ma vie, je ne me souviens pas que cela fut aussi dur. Je ne sais plus si je suis dans Paris ou déjà parti et cela m'effraie. Les questions s'enchaînent dans ma tête et je ne veux pas y répondre car je n'en ai pas le temps. Le temps m'est compté et ce foutu bar ne m'apparaît pas. Chaque fois que je crois le reconnaître c'est une tout autre chose. Je me rends d'ailleurs compte que le nombre de coiffeurs est impressionnant à Paris. Cheveux longs, cheveux courts, pour femme, pour homme, mixte, spécialisé en extensions, en couleurs, dans le tissage des cheveux africains et évidemment ce n'est pas le moment que j'y aille. C'est fou comme le moment n'est pas en ma faveur. Je me traîne, en pleine nuit, dans Paris, à la recherche d'un putain de bar que j'ai laissé derrière moi pour aller mendier un putain de timbre pour écrire des putains de lettres à des putains de personnes et je ne trouve que des salons de coiffures aux lumières clinquantes et affreusement aveuglantes. 

J'ai envie de me perdre plus, volontairement. Je ne me sens pas bien car je commence à étouffer et cette étonnante chaleur qui ne vient, je ne crois pas, du temps, commence à me casser les pieds. J'aimerais presque m'évanouir et me retrouver sous un jour nouveau, sûrement pillé par quelqu'un qui aurait fait mes poches et qui serait reparti bredouille. 

A force de tourner, tourner, retourner, contourner, je finis par reconnaître un peu les lieux. Je me demande sincèrement comment l'on peut être taxi ici, ou guide, et connaître le nom des rues par coeur. Que suis-je bête. Le GPS doit bien les aider de nos jours, ces faignants incapables d'avoir une excuse pour l'être. Je finis par sentir ma tête un peu moins ailleurs et je retrouve peu à peu mes moyens. L'alcool s'estompe vite de mon organisme et cela me fait un bien fou même si je trouve cela très louche vu tout ce que je me suis enfilé. Je vois au loin quelqu'un. Il est debout et me fait des grands gestes absurdes que je devine par le contraste de sa peau blanche sur la noirceur de la nuit. Abruti. L'alcool fait des ravages sur les gens et même si je n'ai pas envie d'aller à sa rencontre j'y vais quand même, je sens que je le dois. J'y vais presque à reculons, me méfiant de ce qui pourrait m'arriver lorsque j'atteindrai son niveau. 

Plus j'approche et plus je le reconnais. C'est le barman. Je ne vois plus clair, c'est sur. Je ne suis définitivement plus là et il ne me faut plus beaucoup de temps avant que tout mon être vomisse de cette ville et de ces gens. J'ai été bien bête d'avoir douté de lui mais il faut dire que de loin et de près ce n'est pas du tout le même homme, du moins c'est comme cela que je pourrais me trouver une excuse pour avoir voulu fuir loin de lui. 

Et la vérité s'envolera avec moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant