Je me sens comme le criminel qu'on arrêtera jamais et en pensant ça je me trouve plus prétentieux que jamais. La vérité c'est que je ne sais pas si je veux continuer à être cette personne, ce tueur, sans scrupules, cruel et laid, affreusement laid. En seulement quelques jours j'ai l'impression d'avoir été dans la peau de plusieurs personnes différentes, avec chacune leur caractère propre. Je n'arrive pas à dire qui j'ai préféré être mais on me souffle intimement que je ne peux pas décider de qui je dois être réellement. Quelqu'un me force, on me pousse à faire des choses dont je ne pourrais pas être fier à l'avenir. On m'empêche d'être celui que j'ai toujours vécu. Je n'avance pas mais je ne recule pas non plus. Je stagne, coincé entre réalité et illusion. Je ne peux pas m'en sortir. J'ai toujours besoin d'aide et je me sens faible à cause de cela. Je ne sais plus où chercher ni quoi. Je suis seul, dans la noirceur de la douce clarté de ce monde. Seul, triste et affaibli, comme un enfant qu'on aurait abandonné sur le bord de la route. On a cessé de me pousser à avancer. On ne fait plus attention à moi. Je suis la fumée de mon corps brûlé à vif par tant d'années de souffrance. Je suis les cendres d'un phénix qui ne renaîtra, malheureusement, jamais. Je suis en suspension dans un vide dont je ne connais pas la réelle nature et avec tout ça, je me sens plus perdu que jamais, paralysé entre ce que les gens pensent de moi et ce que je suis vraiment.
Alors je continue ma route, dans ce village où tout le monde doit déjà me prendre pour un fou et ils ont sûrement raison. Il fait nuit et même la lune semble avoir pris congé car je ne reconnais plus sa faible lumière censée, normalement, se refléter dans les nombreuses vitres que comptent les nombreuses fenêtres appartenant aux nombreuses et pittoresques maisons de ce village qui de plus en plus, m'apparaît comme hanté. Les rues se ressemblent et pourtant celle que je traverse m'apparaît comme plus sombre que la précédente. Je fonce vers le néant et ce, tête baissée. Je ne réfléchis plus et j'ai l'impression que je n'en ai jamais réellement été capable. Mon esprit est embrumé et mon corps plus fatigué que jamais. Je frappe à certaines portes mais personne ne répond. On a peur de moi et j'ai peur de moi aussi. Dans le meilleur des cas, les personnes vers qui je vais à la rencontre m'ouvre leur porte, un couteau à la main, pour me demander d'une voix graveleuse et à la connotation diabolique ce que je viens faire, "bon sang", chez eux à cette heure là trahissant ainsi une hypocrite envie de m'accueillir. A ces questions je choisis de ne plus répondre comme si moi-même je m'étais lassé de mon comportement. C'est dur à définir.
Ma solitude et moi continuons donc notre funeste marche et longeons une rivière dont le lit s'élargit peu à peu au fur et à mesure que nous le suivons. L'eau ruisselle doucement et c'est une reposant mélodie que celle-ci. Je m'évade peu à peu et j'essaye de profiter de ce qui m'est offert en ce moment-même. Je me sens, pour la première fois de ma vie, en accord avec la nature, comme en symbiose avec une chose essentielle dont je n'avais jamais compris le charme avant. Le bruit effrayant que fait le vent passant entre les branches ne m'effraie pas. Les brins d'herbe virevoltent dans cette nuit au goût étonnamment estival et on pourrait se croire dans une grande prairie. Les nuages s'écartent de temps en temps et la lune fait de nouveau son apparition. Elle est grande, blanche, brillante et elle semble me sourire. Elle est fière d'être là, supérieure, magistrale, au dessus de ce monde dont secrètement elle doit se moquer. Je l'envie. Elle n'a pas autant de soucis que nous. Elle ne bouge pas et dans son calme indubitable n'a rien de plus à penser qu'à briller, briller encore et toujours, de milles feux, depuis le nuit des temps et pour encore un bon moment, du moins je l'espère.
De petits rongeurs me suivent et longent la berge avec moi. Je me sens entouré et étonnamment plus que si je l'étais avec des humains, des personnes normalement supérieures au monde animal. J'aimerais pouvoir leur parler mais je n'ose pas laisser ce grain de folie transparaître et préfère m'abstenir de tout acte fou en ces temps de grand désarroi intérieur. Ils sont mignons à me suivre avec leur pelage que j'aimerais pouvoir caresser. Je suis jaloux du bonheur dans lequel ils semblent tous plongés.
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Et la vérité s'envolera avec moi
Mystery / ThrillerJe m'en vais, je pars loin de tout ce que je connais. Je refuse de dire que je fuis mais c'est ce que je fais. C'est décidé, je n'ai plus ma place ici et c'est bien ailleurs que je vais espérer la trouver. Je n'emporte que très peu de choses, j'ai...