Lorsqu'Andorra revint chez elle, elle était épuisée. Dans son esprit se déroulait à présent un conflit. Son père, Galva Motharon n'avait pas tort. Son point de vue était compréhensible. Ayant grandi dans le monde conservateur des dieux, une organisation comme Athanatos etait vue comme un ovni, une menace inconnue, et le manque de proximité entre les deux mondes serait sûrement source de conflit. Mais les dieux accepteraient ils réellement à nouveau de coopérer avec les humains, pour protéger leur monde ? Oui, Blake détenait une puissance sans précédent, et cela faisait encore plus peur aux dieux. Leur monde pouvait s'écrouler. Mais Andorra savait que Blake n'était pas comme ça. Le doux Blake, gentil, attentionné, généreux, celui qui pouvait se battre, se sacrifier pour sa famille et pour protéger tous ceux devant lui. Ce Blake là était toujours là. Et elle ne devait pas douter. Peu importe ce qui arriverait. Peu importe comment il se comportait. Elle devait avoir confiance en lui. Si elle doutait... Que resterait-il à Blake ? Elle devait rester à ses côtés, et ce même si le monde entier se retournait contre lui. C'était la son choix. Alors pourquoi ne pas l'avoir exprimé à son père ? Pourquoi n'avait-elle pas soutenu son amour ? Pourquoi n'avait-elle pas plus défendu Blake ? Pourquoi avait-elle laissé Gamoth instiller en elle cette once de doute ? Elle hésita à ouvrir la porte. Blake était sûrement là. Il tenait à revenir tôt dans leur appartement. Un appartement qu'iks avaient pris à deux alors qu'elle était souvent hors de la ville, à l'academie militaire. Mais lui revenait toujours tôt, dans l'espoir qu'elle revienne. Elle entra. Et tout de suite elle sut que quelque chose n'était pas normal. Tous les meubles étaient sans dessus dessous. Les verres detruits. Des plats brisés. Les chaises et les tables par terre, cassées en deux. L'atmosphère était sombre et lugubre. Elle entendait des bruits étouffés venant de leur chambre. Avec un peu d'appréhension, elle s'approcha doucement de la porte entrouverte. Elle trouva leur chambre intact. Avec Blake, assis dans un coin. Il avait enlevé sa veste. Sa chemise était déboutonnée. Il avait ramené des genoux à sa poitrine. Un couteau près de lui. Les bruits étouffés étaient en fait ses sanglots. Ses sanglots saccadés. Andorra se précipita sur lui et le prit dans ses bras. Son corps assez massif, musclé, pris de hoquets successifs :
-Ils crient...dit il doucement.
C'était une crise. Blake en faisait de temps en temps. Une sorte de burn out. Lorsque tout le poids qui pesait sur lui en permanence devenait trop lourd pour son esprit. Ça le brisait mentalement et émotionnellement. La fréquence de ces crise avait diminué. Mais elles restaient très intenses.
-Ils crient... Les morts... Les vivants... Ils crient tous... Dans le Laurus... Sur terre... Ils crient... Tout le temps... Sans cesse... Ils ont mal... Si mal
Il la regarda. Ses yeux étaient rougis :
-Pourtant j'ai beau me débattre, faire tout ce que je peux, tout ce que je ressens c'est de la haine et de la douleur... Des millions de gens qui ont mal Andorra... Et... Et je ressens ça... Ça me déchire... Je les sens mourir... Et je meurs avec eux...
Dans ses yeux il n'y avait plus cet éclat, celui qui le caractérisait avant. Cet éclat souriant d'espoir. Il n'y avait plus que la noirceur devant le désespoir.
-Je... Tout ce que j'apporte... C'est la destruction... Je fais tout pour aller contre ça... Contre mes pouvoirs... Mais plus je ressens tout ça... Plus j'en ai peur. Parce que j'ai cette voix... Cette voix en moi qui me souffle de tout foutre en l'air... De tout détruire... Pour ne plus ressentir toute cette souffrance...
-Blake...
Andorra ne savait pas quoi dire. Comment réconforter quelqu'un qui était quasi omniscient ? Elle se blâma de son impuissance.
-Et j'ai peur de succomber à cette voix... De faire du mal... Mais cette douleur me change... Lisa... Si jamais il arrivait quelque chose à Lisa... Je perdrai le contrôle... Et j'essaie de me détacher le plus de tout ça... Pour ne plus avoir mal j'essaie de me détacher... Mais j'ai peur que me détacher fasse de moi un monstre... Andorra je suis un monstre...
-Non, tu n'es certainement pas un monstre. dit Andorra de la manière la plus convaincante possible.
Ses larmes étaient sur le point de couler. Voir Blake, toujours si sûr de lui, si composé, s'écrouler de cette manière... Ça la brisait.
-Alors est ce que je suis humain ?
Lui demanda-t-il en la regardant dans les yeux.
-Je... Tu...
-Dis moi... En quoi je suis humain ? Le regard que vous me lancez... Comme si vous étiez inquiets... La manière dont les dieux ou tout le Laurus pense de moi.. Je sais tout ça, Andorra. Je voulais être un héros ! Quelqu'un capable de faire ce que tous pensent impossible. Capable de sauver tout le monde, sans rien sacrifier. Et regarde moi ! Je ne peux pas... C'est impossible ! Cet Univers n'est réellement que ténèbres ! Je me suis trompé... Ma puissance ne me permettra jamais de sauver tout le monde ! Je...
Andorra le serra encore plus fort :
-Ne dis pas un mot de plus. Tu as toujours tout donné pour atteindre ton but. Pour protéger tout le monde. Je ne te laisserai pas dénigrer tous tes efforts... Tous nos efforts... Tu as toujours été celui qui nous guidait. Une lumière aveuglante, qui était toujours là. N'arrête pas d'être cette lumière... Tu n'as pas à tout prendre sur toi... Tu n'as pas à toujours combattre seul... Tu n'as pas... À souffrir comme ça pour tout le monde. On est là ! On est ta famille ! C'est à ça que nous servons ! On t'aime Blake... Je t'aime... Et te voir comme ça me déchire... Ne laisse pas ces ténèbres t'avoir... Je ne le supporterais pas... Même lorsque tu étais aux portes de la mort tu étais avec moi, pour m'aider à surmonter mes épreuves. Je ne te laisserai pas surmonter les tiennes seul.
Blake regarda Andorra. Il regarda celle qu'il aimait. Une lueur d'espoir en elle. Voilà ce qu'il voyait. Il avança sa main vers son visage, déjà imbibé de larmes. Sauf que les marques sur son bras tournèrent au rouge vif. Il se mit à trembler. À hurler de douleur. Il se leva et se debattit tant qu'il put, il criait comme si son coeur se déchirait en deux. Il bougeait frénétiquement. Comme possédé. L'atmosphère de la pièce s'assombrit encore. Le bâtiment se mit à trembler. Andorra eut peur que l'Autorité de Blake se mette en action. Mais il sembla se calmer. Doucement, les marques redevinrent noires. Il arrêta de bouger. Allongé sur le sol, les bras écartés. Il ne pleurait plus. Une dernière l'arme coula, traversa doucement sa joue, et toucha le sol :
-Un incendie a commencé à San Francisco. Un tremblement de terre à Quinto. Un tsunami à Tokyo. Un typhon dévastateur dans le canton. En tout, 564 morts. Et tout ça a cause de ma petite crise.
Blake se leva, son visage était redevenu impassible :
-Je ne peux pas vous partager un fardeau aussi lourd. C'est pour vous protéger.
-Blake...
-Andorra, je sais que tu veux mon bien. Je sais tout ce que tu m'as dit. Mais comment, après tout ce que j'engendre, pourrais-je penser être un héros ?
Il prit des habits dans l'armoire, silencieusement, son habituel costume avec noeud papillon. Il sortit de la chambre. Sur le pas de la porte, il dit :
-Comment je peux ne pas me voir comme un monstre, alors que je suis le plus grand danger pour ceux que j'aime ?*****
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Les Immortels : La malédiction originelle, Tome Final
FantasiaLa société humaine se dirige vers une nouvelle ère. Une ère dirigée par la magie et les êtres surnaturels. Une ère où Athanatos est le seul groupe capable de protéger le monde des dommages causés par les failles interdimensionnelles qui se multiplie...